06 avril 2007

Bouclier anti-missile américain en Europe?

Il est troué, il déplace les dégâts vers les pays hôtes, il risque de provoquer une nouvelle course aux armements nucléaires et il néglige l'effet des frappes de réponse: le bouclier anti-missile "global" américain qui veut s'insérer en Europe, cherchant ses ouvertures chez les anciens états-clients de l'URSS qui se sont convertis en clients américains depuis 1989.

À l'hebdomadaire allemand 'Der Spiegel' l'honneur d'avoir enfin recherché les opinions des experts sur les projets des ÉÉUU à établir une poste de radar sophistiquée en Tchéquie et une base de missiles-anti-missiles en Pologne. (Site-Web du Spiegel, le 3.4.07).

L'Europe, vue de l'espace, montrant les zones de pollution de l'air, qui coincident avec la densité de la population et des installations industrielles. Zone parmi les plus vulnérable de la terre, fort urbanisée, qui devrait subir les risques des missiles détournées par les nouvelles installations américaines, projetées en pologne et en Tchéquie.

Le bilan est alarmant. L'excuse de circonstance américaine (le danger que l'Iran représenterait), tombe complètement à l'eau sous le scrutin des experts consultés, des hommes qui ne sont point connus pour avoir des préjugés anti-américains.

La logique de la guerre froide était basée sur la "MAD", la Mutual Assured Destruction, c'est à dire: la Destruction Mutuelle Garantie. Le Bouclier crée la situation (ou, ce qui est encore pire: l'illusion) d'une destruction unilatérale assurée. Les pouvoirs nucléaires existants seraient privés de (ou insécurisés quant à) leur capacité de réponse à une attaque nucléaire. Ils vont développer des anti-systèmes, augmenter leurs arsenaux nucléaires de réponse et/ou concevoir des moyens de transport alternatifs, par exemple en cachant leurs armes dans des navires commerciaux, afin de s'assurer les moyens de répondre à une attaque. Conséquences: prolifération accélérée, davantage d'insécurité et amalgame avec les mouvements terroristes.

La victime d'une éventuelle implantation d'éléments du nouveau "bouclier" en Europe, est ... l'Europe. Si le bouclier fonctionne, des charges nucléaires iraniennes, pakistanaises, israeliennes ou françaises, risquent d'être interceptées dans l'air européen et d'exploser au-dessus de nos villes, même si elles n'y étaient pas destinées. Des Hiroshima (bombe nucléaire explosée à 600 M. d'altitude) surgiraient. Des attaques préventives contre les sites du 'bouclier' en Pologne et en Tchéquie amèneraient la guerre nucléaire au coeur de l'Europe. Et quoi sur la marge? Tout le monde est d'accord, que la Turquie, la Bulgarie, la Grèce et la Roumanie sont impossibles à protéger à cause de leur proximité du Moyen-Orient.

La situation ressemble un peu à celle des années quatre-vingt, lorsque le président Reagan voulut installer ses fusées à moyenne distance en Europe. C'est vrai: La Russie actuelle n'est plus la même que l'Union Soviétique. Mais la Russie regagne peu à peu sa position de grand pouvoir et, sans réagir, elle ne laissera pas s'approcher de si près une force de frappe nucléaire de ses frontières.

Le principal moyen d'éviter une échange de frappes nucléaires reste, paradoxalement, mais logiquement, le maintien des capacités de réponse. On peut supposer que les capacités de réponse anglaise et française soient suffisantes à éviter à ces deux pays d'éventuelles attaques nucléaires sur leur sol. Les pays les plus menacés sont donc l'Allemagne et les petits pays non-nucléaires membres de l'UE.

L'alternative européenne
Une alternative qui n'inquiéterait pas de la même façon la Russie et d'autres pays possédant l'arme nucléaire, serait l'extension du parapluie nucléaire français et anglais aux autres pays de l'UE. Sous condition, qu'ils ne provoquent pas les pouvoirs nucléaires non-UE. Celle-là serait la réponse la plus efficace à l'initiative américaine en question. La réponse aussi, qui est la plus redoutée par les cercles ultra-nationalistes américains, car elle leur priverait d'un atout qui s'appelle la 'coalition of the willing' dans le cadre de leurs aventures qui devraient constituer le 'siècle américain'.

Imposer aux pays récemment émancipés de leur état de client (russe ou américain), la prudence qui doit aller de pair avec la position de co-propriétaire d'armes nucléaires, ne sera pas facile. La séduction, savamment entretenue par l'administration américaine, de l'opportunité à marcher dans l'ombre du géant américain dans le monde entier, a malheureusement survécu les déceptions irakiennes des Polonais et d'autres Géorgiens.

Mais il est urgent, je le pense, que l'ancienne proposition française visant l'extension de son parapluie nucléaire à d'autres pays européens, soit réitérée. La menace d'une réponse fatale constitue encore toujours le meilleur moyen à décourager les pays à capacité nucléaire à utiliser leur arme. Dans la perspective historique de pays comme la Tchéquie (abandonnée en 1938 à Munich par la France et par l'Angleterre) et de la Pologne (partagée plusieurs fois entre l'Autriche-Hongrie, la Prusse et la Russie), une garantie nucléaire européenne va rencontrer pas mal de cynisme, compréhensible. Mais c'est faisable. La France devrait être prête à partager ses capacités nucléaires avec l'Europe, l'UE. Ce qui n'est pas évident non plus.

À ce sujet, nous ne connaissons pas les positions des candidat(e)s à la présidence française. Il serait intéressant de les savoir.

Plus en détail: Voir l'article du Spiegel (en Allemand, naturellement) et sa traduction en Anglais dans l'édition internationale de cet hebdomadaire.

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