31 janvier 2008

Srebrenica 1995: La revanche hollandaise tardive

Étonnante et historique: Les Pays-Bas, soutenus par la Belgique, ont bloqué un geste européenne de bonne volonté à l'égard de la Serbie.
Jean-Pierre Stroobants, dans Le Monde daté du 30.1.08 (voir ci-contre), en explique les motifs.


Pourtant, il est un peu tragique, que c'est la moitié modernisatrice de la Serbie de l'année 2008, qui en subit les conséquences.
Car il n'est pas exclu, que l'absence d'un geste fort et positif de l'Union Européenne à l'adresse de la République serbe, aidera à provoquer une victoire du candidat ultra-nationaliste Nikolic aux élections présidentielles de dimanche prochain.

Si vous voulez savoir mon opinion, eh bien, pour une fois je suis tout à fait d'accord avec le ministre des Affaires Étrangères de mon pays d'origine. Un Monsieur que je déteste d'ailleurs.

M. Maxime Verhagen est la personnalisation du virage à droite de la Démocratie Chrétienne néerlandaise depuis l'an 2002. Allié proche et catholique du premier ministre calviniste Balkenende, il dirigeait les députés de son parti dans le parlement de La Haye jusqu'à la formation du gouvernement actuel, qui gouverne depuis le printemps de l'an 2007.
L'ironie de l'Histoire a voulu qu'il occupe son poste dans un gouvernement avec les travaillistes du PvdA, qu'il a cherché à exclure du pouvoir jusqu'au bout.
Mais par des voies qui me sont inconnues, l'actuel gouvernement a choisi (enfin, après bientôt 13 ans!) à se revancher de ce qui est arrivé aux soldats néerlandais à Srebrenica en juillet 1995.
Il faut le dire, et le répéter, d'abord: Son acte de refus n'est pas dirigé contre l'État des Serbes.

Non: Il défie les "grands" et les "moyens" pouvoirs qui étaient présents au champ de bataille des années '90 en Bosnie. En 1995, les forces hollandaises, qui devaient défendre la sécurité d'une enclave, Srebrenica, dans l'Est de Bosnie, ont été trahies par les compromis fumeux et cyniques, conclus à Dayton entre les Etats-Unis et Milosevic. Les forces de la Bosnie serbe, dirigées militairement par Ratko Mladic, avaient obtenu le "feu vert" à arrondir les territoires qu'ils dominaient, avant de conclure définitivement un traité de paix qui leur garantissait une influence suffisante dans le nouvel État unitaire à créer en Bosnie. Ajouter les "" autour d'unitaire.

Les Anglais, qui fournissaient à l'époque le dirigeant militaire des forces de l'ONU en Bosnie, en étaient au courant. Les Français, dont plusieurs militaires étaient pris en otage par les Serbes, ne l'étaient pas. Ni les Hollandais. Quand les forces de Mladic ont commencé à encercler et à harceler les militaires hollandais à Srebrenica, les Américains ont refusé à communiquer leurs observations par satellite aux Hollandais. À l'époque, ils en avaient le monopole. Puis, quand les forces de Mladic ont pris en otage un nombre de soldats hollandais qui équipaient des postes d'observation autour de la ville, ils ont refusé d'intervenir avec leurs avions. Seulement deux F16 de l'armée de l'air hollandaise ont pu intervenir, et, selon certaines sources, éliminer un ou deux tanks serbes.

Les forces hollandaises de l'ONU étaient considérés comme "chair de canon", pions à sacrifier, par les Américains. Le gouvernement néerlandais n'avait pas été mis au courant des arrangements conclus à Dayton. Et, ce qui est non moins criminel, il n'avait pas assez essayé à savoir, quelle serait la position de ses troupes en fonction de ces compromis-là. Tout cela est contenu dans un rapport qui a été établi par les services gouvernementaux de La Haye - après coup. Le rapport complet qui est venu compléter toutes ces observations-ci en 2002, établi par les historiens de l'Institut de l'étude de la Guerre d'Amsterdam, a, en effet, provoqué la chute du gouvernement néerlandais de Wim Kok.

Vraisemblablement, le nouveau président de la France, Jacques Chirac, n'était pas au courant non plus, en juillet 1995, des arrangements Milosevic/Karadzic avec les Anglosaxons. Il se demandait publiquement, comment c'était possible, que la présence d'un contingent de soldats de l'OTAN à Srebrenica n'aurait pas pu éviter le massacre. Puis, il s'est tu. Probablement, si je peux croire Florence Hartmann dans "Paix et Châtiment" (2007), parce que l'abandon des 7000 musulmans massacrés et l'humiliation des forces hollandaises, a permis la libération des deux ou trois pilotes français, pris en otage par les Serbes de Bosnie.

La vérité sur les compromis cyniques de Dayton n'a toujours pas été révélée. En 1999, Milosevic a été traduit à la Cour Pénale sur la Yougoslavie à La Haye. Il est mort, avant d'avoir eu l'opportunité à révéler ses arrangements avec les Américains. Florence Hartmann suggère, que la protection passive que les "grandes forces" continuent à fournir à Karadzic et à Mladic, sert à couvrir leur co-responsabilité dans les événements de l'été 1995 en Bosnie.

Apparemment, les Hollandais en ont assez. Ils exigent la traduction, au moins de Mladic, qui se promène ouvertement et publiquement à Belgrade, à la Cour Pénale de La Haye. Une fois devant ses juges, il ne pourra se soustraire à la révélation des compromis conclus avec les Anglosaxons, début 1995. Il est à l'honneur de la Belgique, dont le ministre des affaires étrangères, Karel de Gucht, soutient la position hollandaise, que ce pays n'est pas succobé à la tentation de se venger de l'arrogance hollandaise.

Il est tard, mais non pas trop tard, que la vérité soit établie, et que le scandale du comportement hollandais à Srebrenica soit placé dans son contexte, et, j'espère, qu'on en tire enfin les conclusions nécessaires quant à la participation néerlandaise, actuelle (Afghanistan) et future, aux aventures militaires américaines.

(Je reviendrai bientôt sur d'autres aspects de l'engagement militaire des petits pays dans le cadre de l'ONU ou de l'OTAN, comme "Willing Allies" dans les grands conflits du monde post-communiste.)

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16 janvier 2008

Film Anti-islam hollandais: Un cas de "Dutch Courage"

Nos amis anglais n'ont pas une opinion très favorable de l'éthique et de la morale des habitants des pays bas à l'embouchure du Rhin.

"Going Dutch", résume, ce qu'il arrive, quand le monsieur qui invite une fille, la fait payer les consommations. "Double-Dutch", c'est mentir, parler en deuxième degré.

On y parle aussi le "Dutch Courage", qui vise les gens qui se vantent de leur courage, bien qu'en effet, ils s'en sont d'avance assurés, qu'il n'y avait aucun risque à se se risquer en avant...

Il n'est d'ailleurs pas impossible que les Anglo-Saxons aient si bien défini les défauts de leurs amis, voisins et concurrents, à cause du fait qu'on se ressemble tant, des deux côtés de la Manche...

Tolérance n'est pas toujours humanisme
La tolérance et l'ouverture des Hollandais aux us et aux coutumes des étrangers, ont séduit, il n'y a pas longtemps, pas mal d'étrangers qui n'avaient pas la même expérience intime que les Anglais avec les Bataves. Ces derniers temps, ils ont été déçus. Est-ce que ce n'était qu'une conte de fées? Il y a une malaise. Comment expliquer cette chute, cette rechute-là, des champions de l'ouverture, des rideaux toujours ouverts, des imprimeurs des textes rebelles des Lumières?

L'orgueil des timides
Les Pays-Bas se considéraient comme "pays-guide" (gidsland) en s'opposant à l'installation des fusées OTAN de moyenne portée, préconisée une fois par le président Reagan. La pillule, l'avortement, le mariage homosexuel, la mort choisie par euthanasie volontaire, les drogues considérées "douces", occupation de biens vacants et démocratisation à l'outrance égoïste - longtemps les Hollandais semblaient être à l'avant-garde de tout le monde.

Pendant l'euphorie pro-hollandaise parmi mes amis étrangers, j'ai eu la charge d'expliquer, chaque fois, que l'ouverture des rideaux, ce n'était pas un désir de transparence, mais une obligation. Par exemple. Quelqu'un qui les fermait, devait s'attendre à ce que les voisin(e)s viennent demander, le jour d'après: "Voisine, qu'est-ce qui se passe? Il y a malheur chez vous? Maladie? Querelle? On s'inquiète! Dans la rue entière." Donc, mes amis, il ne s'agissait pas d'ouverture, mais, au contraire, de conformisme, de contrôle social étouffant.

La communauté qui compte, n'est pas l'État civil, mais la communauté restreinte idéologique de chacun
Je vous le dis d'avance, la tolérance hollandaise n'est en rien plus que ça: Tolérance. Non pas largesse d'esprit. On a appris à tolérer les habitudes étrangères, pourvu qu'elles ne nous gènent pas. Nos habitudes à nous sont et restent la norme. Mais pour préserver la paix civile, nous n'y insistons pas publiquement. On s'arrange, en dehors des lois. C'est tout ce système des arrangements (les exceptions tolérées) qui désoriente les immigrés, les étrangers. S'ils enfreignent en bonne conscience les limites des tolérances tacitement convenues sans eux, le Hollandais se montre "verongelijkt". Verbe difficile à traduire: "outré", "offensé", "blessé" "déçu".

Wilders s'engage à un risque calculé selon les vieilles habitudes prudentes
Quoi qu'il en soit, l'action que le député Wilders mène ces jours à La Haye et qui est bien analysée dans l'article sus-mentionnée du Monde, n'est pas loin de ce que nous avons défini plus haut comme "Dutch Courage". Abusant de la liberté d'expression garantie par la constitution et les lois, abusant de sa position comme membre du parlement qui garantit une certaine immunité, M. Geert Wilders fait produire un petit film qui provoque les sentiments les plus partisans des musulmans.

La Mauresse a rempli son devoir, la Mauresse peut s'en aller
Pas besoin de beaucoup de courage, ni d'inventivité. Il y a trois ans, Ajaan Hirsi Ali a fait la même chose, avec un film qui est aussi provocateur et aussi plat qu'il semble qu'est l'enfant de M. Wilders. Mais, au moins, de la part de la vierge blessée et emprisonnée, il y avait une rage authentique, née des humiliations subies dans sa jeunesse. Pas assez pour excuser le caractère haineux et populiste de son film, mais, à la limite, excusable. M. Wilders n'est qu'un clone, un clown, qui cherche à monnayer sur le dos des pauvres musulmans immigrés, la dénonciation facile. Et angoisser le citoyen moyen.

M. Wilders ne risque pour ainsi dire rien en jouant sa provocation. C'est bien ce que les "régents", les grands bourgeois qui ont façonné l'histoire des pays-Bas depuis le XVIIme siècle avaient l'habitude de faire.

Être libertaires sur le dos des autres
Tant que leur courage ne comportait pas de risques pour eux-mêmes, seulement pour des autres loin de chez eux, les Hollandais ont été tolérants: Ils ont imprimé les textes interdits de Blaise Pascal, car cela ne gênait que le roi de France et ses copains, mais Baruch d'Espinoza, qui était un peu trop dans leurs pieds, a été relégué en province et interdit d'imprimerie.
Un des plus grands du droit international, Hugo de Groot, Grotius, a été forcé par eux de se sauver dans une caisse à livres de la prison hollandaise où il était enfermé, et il a du vivre depuis comme réfugié politique en France et en Suède. Mais les encyclopédistes du siècle suivant ont quasi toujours eu recours aux imprimeries hollandaises, pourvu que leurs oeuvres ne gênaient que l'étranger. Les modernisateurs "patriotes" du pays, mouvement authentique laic et antimonarchiste de la fin du XVIIIme siècle, ont été chassés, moyennant guerre civile avec l'aide du duc de Brunswich, vers la France.

"Verongelijkt"
Bref, la tolérance néerlandaise relève aussi bien d'un esprit libertaire né des pratiques concrètes et solidaires des polders, que d'une hautaine conscience de supériorité morale qui ne s'exprimait pas, mais qui s'est senti blessé, chaque fois qu'un étranger transgressait les limites informelles et invisibles convenues, sans vouloir être trouble-fête. C'était alors, et c'est encore toujours, le temps de la "verongelijktheid" comme réaction.

Pourtant, je nous aime, mais je ne suis pas toujours fier de nous
Pourtant, je les aime, mes compatriotes. Ils sont malins. Ils ont su se maintenir pendant des siècles au milieu des grands pouvoirs européens. Par la ruse, mais aussi par leur authenticité et leur rejet de tout autoritarisme. Faut-il alors aussi être fier d'eux, "trots", comme le proclame l'ancienne ministre Rita Verdonk? Elle vient de créer le mouvement politique "Trots op Nederland" (Fiers de la Hollande).

Vous l'aurez deviné: Je choisis moi-même de quoi je suis fier. Je veux bien être solidaire avec les mauvais et avec les bons de mon pays. Ne touche pas à mon oncle, héros du combat naval de 1942 entre la flotte néerlandaise et japonaise dans la mer de Java. Pourtant, il est devenu aussi un raciste anti-indonésien, dans les années qui suivaient. C'était l'esprit du temps. Ne me fais pas choisir entre le général Van Heutz, boucher de l'île de Bali, et le meilleur écrivain en néerlandais du XIXme siècle: Multatuli, qui dénoncait, bien avant la lettre, le colonialisme néerlandais. Je suis solidaire avec les deux, je ne nie pas les méfaits héroiques du premier, mais fier? Fier je ne suis que de l'écrivain rebelle et hallucinant.

Wilders applique une variante autodestructive du "Dutch Courage"
M. Wilders, exemple de "Dutch Courage", ne fait donc rien d'autre que de suivre les pas de nos ancêtres. Il a calculé ses risques. Elles sont nulles, pour lui. Il n'y aura que les autres qui souffriront: Les compatriotes d'origine islamique, les esprits ouverts qui ont étudié l'islam dans une grande tradition scientifique du pays, commençant avec le courageux Snouck Hurgronje au tournant des deux siècles précédents. Puis, les entreprises hollandaises qui subiront en terre islamique les protestations des populations encouragées par d'autres opportunistes, les dirigeants traditionnels et illégitimes des pays arabes et non-arabes islamiques. Les soldats hollandais envoyés avec une mission impossible dans les terres de l'Afghanistan du Sud. Enfin, plein de monde qui n'y peut rien, les habitants des quartiers urbains à difficultés en premier lieu.

Élimination des éléments qui gênent
Désagréable, n'est-ce pas, un pays pareil? On a exilé la passionaria anti-islamique Ajaan Hirsi Ali vers les États-Unis. La Mauresse avait rempli son devoir (rétablir l'électorat populiste du parti libéral conservateur VVD), elle commencait à gêner. Wilders gêne aussi. On trouvera moyen à le faire taire, si ce ne sera pas en janvier, alors quelque temps plus tard. J'avoue que je ne me sens pas à l'aise, avec mon pays plein de "verongelijkten".

L'autre Hollande
Mais c'est mon pays. Un pays qui grouille de bonnes intentions. Un appèl de personnalités de la politique traditionnelle du 2 janvier contre la barbarisation du débat publique sur les immigrés a reçu une réponse envahissante et des propositions d'accueil des immigrés par les centaines. Les agitateurs intellectuels anti-islamiques qui se sont sentis acculés, n'ont su proférer que des balbutiements hors sujet.

Apprendre à jouer son rôle dans le concert européen
Je ne suis pas désespéré. Au fond, les Pays-Bas sont un pays comme les autres. Impitoyable, lorsqu'ils ont peur ou quand ils voient de l'argent à gagner sans risque. Très humains, quand il s'agit de défendre nos valeurs fondamentales. Il serait bien, si l'on apprenait à le faire dans un cadre européen, avec tous les alliés qui y sont disponibles. Ca viendra aussi.


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12 janvier 2008

Et si les Bruxellois créaient leur Communauté à eux?

Une journée bruxelloise parmi toutes les autres.
Les observations d'un observateur étranger, engagé avec son nouveau pays et avec sa ville, Bruxelles.
Pardonnez-moi mon intrusion, chers hôtes. Mon intervention n'est pas née de la conviction que vous ne sauriez pas résoudre tout seuls vos grands problèmes.
Au contraire: Je sais d'avance que les solutions magiques et surréalistes que vous allez produire dépasseront toute imagination.

Mais je partage avec mes concitoyens bruxellois qui m'ont donné le droit de vote aux élections communales, un souci grandissant en ce qui concerne la position de la Région bruxelloise. Bruxelles est en train de devenir l'orpheline de la Belgique (voir l'article "Belgique surréaliste..." dans Toto Le Psycho).

J'ai lu un livre et j'ai lu les journaux de ce vendredi. Voici ce que je pense:

Bruxelles absente de la table des négociations qui décident de son sort
Les deux régions et communautés territoriales et linguistiques se comportent comme deux parents en train de structurer un arrangement d'incompatibilité mutuelle, sans compter les effets sur les voisins, les enfants, les animaux domestiques et leur(s) budget(s). Bruxelles, l'enfant qui porte en elle l'union de chacune de leurs trésors de chromosomes, est adulte. La loi exige qu'elle ait sa place à la table des négotiations du divorce qui ne doit pas être appelé ainsi.

Mais elle en est absente. Ce qui est peut-être pire: Elle n'a pas de projet concret. Il n'y a aucune mobilisation de ses citoyens. Mais je me trompe: Il y en a eu une impressionnante. L'apparition de milliers de drapaux nationaux belges, noir-jaune-rouge, aux façades des maisons et des appartements bourgeois pendant les mois de la crise des négociations gouvernementaux. Une protestation bien belge, tranquille, paisible et digne. Mais elle a une faiblesse décisive: Le drapeau national est symbole d'une "Belgique de Papa" qui n'a jamais existé. Il ne faudrait pas une nostalgie pour la vieille Belgique, mais un projet pour un pays membre de l'Union Européenne du XXIme siècle.

L'enjeu et les atouts
Il n'en est pas question. Même pas d'un projet uniquement pour l'agglomération de Bruxelles, 1,2 million d'habitants (sur les 10 de la Belgique), génératrice de 20% du PIB, dotée d'une renommée mondiale et capitale de beaucoup d'institutions internationales, l'Union Européenne la première. Son rayonnement économique et culturelle est dense dans une périmètre de cent kilomètres, mais s'impose aussi loin que Liège, Maestricht, Gand, Lille, Valenciennes et Luxembourg. Ni la Région wallonne, ni celle des Flandres ne saurait l'incorporer au moment fatal d'une véritable divorce. Mais demande une fois aux époux, au moment d'une divorce à l'inamiable, d'agir rationnellement!

Rudy Aernout,
le hyperactif bilingue bruxellois, qui vient de se faire virer de son poste auprès du gouvernement de la Région flamande pour cause d'insoumission, appelle notre ville "l'enfant mal-aimé de la Belgique". Dans un livre-manifeste qui porte ce titre-là, paru il y a peu, l'économiste et expert de la communication s'adresse aux régions territoriales et les communautés "personnelles" (linguistiques), comme si elles suivaient des raisonnements rationnels, guidés par leurs intérêts économiques, comme les consommateurs (les clients) qui s'approvisionnent dans un marché capitaliste idéal: transparent, régularisé par les forces aveugles de la concurrence et de la maximalisation des profits.

Critique rationnelle et impitoyable des méandres surréalistes belges
Le livre est admirable, à la mesure qu'il dit aux Belges les quatre vérités qu'ils ne veulent pas entendre. S'appuyant sur des chiffres et des statistiques incontestables, Aernout démontre, que les "transferts" financiers à la Wallonie et à Bruxelles, dont beaucoup de Flamands s'excitent, sont plutôt d'ordre marginale par rapport aux Produits intérieurs bruts régionaux (PIBR). Et d'ailleurs, des transferts pareils existent et s'augmentent continuellement dans l'Union Européenne entre les régions riches et pauvres par la voie des dizaines de milliards annuels des subsides agricoles et "de convergence". L'effet net d'une théorique division de la Belgique en deux États-membres de l'UE, serait uniquement que la Flandre, plus riche, devrait réaliser ses tranferts vers la Wallonie, quasi entièrement région de classe 2 selon les critères de Fonds de Convergence européens, non plus via l'État fédéral belge, mais par la voie de ses contributions européens augmentées à l'Europe. "Comptez vos bénéfices"!

Les impôts bruxellois sur la personne rapportent beaucoup moins que
ceux des Flandres, mais les impôts sur la consommation et sur les entreprises
surcompenseraient cette manque. Ces derniers arrivent en ce moment dans les caisses de l'État fédéral et sont
en grande partie redistribués aux régions. Si les 360.000 Flamands et Wallons qui viennent chaque jour travailler à Bruxelles, seraient imposés sur leurs revenus gagnés à Bruxelles, la situation deviendrait encore plus dramatique pour les deux grandes régions.

... mais solutions timides
Les propositions formulées par Aernout sont, sur le fond du drame dont il développe les vastes contours, assez timides. Économiste plutôt de l'école de Chicago, il est en faveur d'une limitation rigoureuse du rôle de l'État dans la sécurité sociale, de l'habitation et de la santé. Ses excursions théoriques fréquentes à ce sujet dans "L'enfant mal-aimée", rappellent désagréablement les élucubrations superficielles de Thomas Friedman dans "Le Monde est Plat", livre qu'il cite avec appréciation.

Au fond, ce qu'il projette, c'est la création d'une marché artificielle, où régions, villes, communautés, et nouvelles créations dans ce genre, comme les communautés urbaines, négocient des contrats entre eux, qui devraient permettre l'échange de subsides avec conditions "énergisantes" et dynamisantes, ainsi que punitions pour non-réalisation des objectifs convenus. Le tout, il est vrai, supervisé par un État fédéral qui pose des limites et des règles de conduite.

"Ende gij geleuft dat?"
Un État central, dépouillé de son budget, régi par un parlement composé d'élus qui sont eux-mêmes quasi toujours parti-prenants dans ces arrangements locaux? Quelle différence avec les intercommunales qui existent depuis longtemps déjà, et qui sont une source permanente d'intransparence, de magouilles et pas rarement de corruption? Une multiplication de bureaucraties qui s'occupent de luttes entre elles? Un paradis pour les Van Caus!

L'auteur de cet article-ci a vécu de près ce système de "convenants" entre autorités (et le secteur privé, chose qu'Aernout prévoit aussi) dans son pays d'origine, quand il s'est occupé de la régénération urbaine aux Pays-Bas. Des centaines de millions disparaissent on ne sait pas où, et c'est seulement grâce à des "entrepreneurs sociaux" dans les quarties urbains en détresse dont il s'agissait, qu'ici et là cette politique a connu des succès locaux remarquables. Il n'y a qu'en Grande-Bretagne et en France, où l'État sait encore s'imposer, qu'une telle approche dégénère en moindre mesure.

Transformer les élus en entrepreneurs? - Impraticable et dangereux.
La création de "marchés" artificielles comme terrains de jeu pour des coalitions de caractère divergent de responsables qui ne répondent qu'aux intérêts locaux, temporaires, sinon personnels, ne déclenche pas les forces magiques de "la Main Invisible" qui est censée d'amener une distribution juste et un dynamisme chaque fois renouvelé. Il est vrai, à court terme une telle approche pourrait aider à désenclaver un peu Bruxelles. Sa situation est tellement coincée que chaque chose qui bouge ne puisse que résulter en diminution du surréalisme de sa situation. Mais à quel prix? Destruction de la solidarité interpersonnelle (sécurité sociale, etc.), affaiblissement de la démocratie et les pouvoirs budgettaires des élus. À plus long terme, ces médicaments vont empirer la maladie.

Pour une transparence accrue et pour la réinvention amoureuse de l'État, même si elle n'est qu'une Région
La solution idéale serait, je pense, la "réinvention du gouvernement" en Belgique. Structures nettes, distribution transparente des responsabilités aux niveaux différents de gestion. Mais la Belgique me semble un des derniers pays en Europe, où l'on saurait réaliser une telle chose tout seul. Mais une intervention européenne, une qui se dessine déjà un peu à travers le questionnement sur les bourgmestres non-reconnus et sur la non-signature par la Belgique du traité sur les droits des minorités, pourra aider, dans un futur encore inconnu.

Désenclavement de Bruxelles
Limitons nous alors à Bruxelles. La nécessité d'un élargissement du territoire de la Région bruxelloise est tellement évidente, qu'une action résolue et portée par une grande majorité des habitants des conscriptions concernées a pas mal de chances à réussir. Il faut d'abord une concertation bruxelloise, multilingue et portée par les entreprises ainsi que les organisations privées pour qu'elle réussisse. La clé ne se trouve pas à Namur ou dans les couloirs du gouvernement flamand, mais à Bruxelles elle-même.

Créer une Communauté non-linguistique de Grand-Bruxelles
Puisque le système impraticable des régions territoriaux et des communautés interpersonnelles semble intouchable, créons une Communauté bi-, ou mieux multi-, lingue bruxelloise qui couvre tout le territoire. Les dirigeants FDF ne seront pas contents, car cela fait reculer à jamais leur illusion dd'une francophonie triomphante. Les Flamands craindront la suppression de leurs droits garantis par la Loi. LES Flamands? Non, je parie qu'une majorité des néerlandophones bruxellois préfère aller écouter un concert, adhérer à une mutuelle d'assurance-maladie qui n'est pas régie par le jeu derrière les coulisses d'une Commission de Coordination dont ils n'ont jamais connu les noms ni leurs positions. Pour ne pas parler de la Commission de Coordination entre les deux Coordinations! Des ministres responsables, élus, controlés, sont préférables de loin.

... et commencer à le faire soi-même
J'ai dit "créer", non pas "demander", pas demander aux sages d'Octopus. C'est quelque chose comme les drapeaux: on a le droit d'exhiber ce symbole de son pays. Mais c'est en même temps incivique, car allant à l'encontre des positions des représentants des partis majoritaires. Les Bruxellois n'ont pas respecté ce que ces personnes-là considèrent comme le message des élections générales récentes. Je propose néanmoins, d'aller un peu plus loin, de réaliser un fait accompli qui est un projet et non pas une nostalgie. Organisons les élections pour une nouvelle Communauté bruxelloise non-linguistique, on peut le faire soi-même. Car qu'est-ce que c'est, une communauté obligatoire, dans laquelle on est né et qu'on ne peut pas échanger pour une autre? Qui interdit des partis politiques bilingues? Ce n'est pas ma communauté. L'essentiel d'une communauté, c'est qu'elle soit commune. Des communautés dirigées de loin de chez moi et qui divisent au lieu de rapprocher les membres de ma communauté réelle, celle de tous les jours, où mon boucher parle avec moi en Néerlandais, mes collègues en Anglais ou en Allemand et mes copains au bistrot l'incomparable Français des bruxellaires, des Communautés et qui ne communiquent pas avec moi, qu'est que c'est d'autre que le contraire d'une communauté?

Bon, je me suis laisser aller un peu, mes compatriotes.
J'apporte ma contribution amstellodamoise et rebelle dans vos débats.
Mais personne ne pourra dire que je n'ai pas été constructif. Plus constructif, de toute façon, que celui qui a osé accuser certains journalistes de son pays à se comporter comme les génocideurs de la Radio Mille Collines.

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