31 janvier 2008

Srebrenica 1995: La revanche hollandaise tardive

Étonnante et historique: Les Pays-Bas, soutenus par la Belgique, ont bloqué un geste européenne de bonne volonté à l'égard de la Serbie.
Jean-Pierre Stroobants, dans Le Monde daté du 30.1.08 (voir ci-contre), en explique les motifs.


Pourtant, il est un peu tragique, que c'est la moitié modernisatrice de la Serbie de l'année 2008, qui en subit les conséquences.
Car il n'est pas exclu, que l'absence d'un geste fort et positif de l'Union Européenne à l'adresse de la République serbe, aidera à provoquer une victoire du candidat ultra-nationaliste Nikolic aux élections présidentielles de dimanche prochain.

Si vous voulez savoir mon opinion, eh bien, pour une fois je suis tout à fait d'accord avec le ministre des Affaires Étrangères de mon pays d'origine. Un Monsieur que je déteste d'ailleurs.

M. Maxime Verhagen est la personnalisation du virage à droite de la Démocratie Chrétienne néerlandaise depuis l'an 2002. Allié proche et catholique du premier ministre calviniste Balkenende, il dirigeait les députés de son parti dans le parlement de La Haye jusqu'à la formation du gouvernement actuel, qui gouverne depuis le printemps de l'an 2007.
L'ironie de l'Histoire a voulu qu'il occupe son poste dans un gouvernement avec les travaillistes du PvdA, qu'il a cherché à exclure du pouvoir jusqu'au bout.
Mais par des voies qui me sont inconnues, l'actuel gouvernement a choisi (enfin, après bientôt 13 ans!) à se revancher de ce qui est arrivé aux soldats néerlandais à Srebrenica en juillet 1995.
Il faut le dire, et le répéter, d'abord: Son acte de refus n'est pas dirigé contre l'État des Serbes.

Non: Il défie les "grands" et les "moyens" pouvoirs qui étaient présents au champ de bataille des années '90 en Bosnie. En 1995, les forces hollandaises, qui devaient défendre la sécurité d'une enclave, Srebrenica, dans l'Est de Bosnie, ont été trahies par les compromis fumeux et cyniques, conclus à Dayton entre les Etats-Unis et Milosevic. Les forces de la Bosnie serbe, dirigées militairement par Ratko Mladic, avaient obtenu le "feu vert" à arrondir les territoires qu'ils dominaient, avant de conclure définitivement un traité de paix qui leur garantissait une influence suffisante dans le nouvel État unitaire à créer en Bosnie. Ajouter les "" autour d'unitaire.

Les Anglais, qui fournissaient à l'époque le dirigeant militaire des forces de l'ONU en Bosnie, en étaient au courant. Les Français, dont plusieurs militaires étaient pris en otage par les Serbes, ne l'étaient pas. Ni les Hollandais. Quand les forces de Mladic ont commencé à encercler et à harceler les militaires hollandais à Srebrenica, les Américains ont refusé à communiquer leurs observations par satellite aux Hollandais. À l'époque, ils en avaient le monopole. Puis, quand les forces de Mladic ont pris en otage un nombre de soldats hollandais qui équipaient des postes d'observation autour de la ville, ils ont refusé d'intervenir avec leurs avions. Seulement deux F16 de l'armée de l'air hollandaise ont pu intervenir, et, selon certaines sources, éliminer un ou deux tanks serbes.

Les forces hollandaises de l'ONU étaient considérés comme "chair de canon", pions à sacrifier, par les Américains. Le gouvernement néerlandais n'avait pas été mis au courant des arrangements conclus à Dayton. Et, ce qui est non moins criminel, il n'avait pas assez essayé à savoir, quelle serait la position de ses troupes en fonction de ces compromis-là. Tout cela est contenu dans un rapport qui a été établi par les services gouvernementaux de La Haye - après coup. Le rapport complet qui est venu compléter toutes ces observations-ci en 2002, établi par les historiens de l'Institut de l'étude de la Guerre d'Amsterdam, a, en effet, provoqué la chute du gouvernement néerlandais de Wim Kok.

Vraisemblablement, le nouveau président de la France, Jacques Chirac, n'était pas au courant non plus, en juillet 1995, des arrangements Milosevic/Karadzic avec les Anglosaxons. Il se demandait publiquement, comment c'était possible, que la présence d'un contingent de soldats de l'OTAN à Srebrenica n'aurait pas pu éviter le massacre. Puis, il s'est tu. Probablement, si je peux croire Florence Hartmann dans "Paix et Châtiment" (2007), parce que l'abandon des 7000 musulmans massacrés et l'humiliation des forces hollandaises, a permis la libération des deux ou trois pilotes français, pris en otage par les Serbes de Bosnie.

La vérité sur les compromis cyniques de Dayton n'a toujours pas été révélée. En 1999, Milosevic a été traduit à la Cour Pénale sur la Yougoslavie à La Haye. Il est mort, avant d'avoir eu l'opportunité à révéler ses arrangements avec les Américains. Florence Hartmann suggère, que la protection passive que les "grandes forces" continuent à fournir à Karadzic et à Mladic, sert à couvrir leur co-responsabilité dans les événements de l'été 1995 en Bosnie.

Apparemment, les Hollandais en ont assez. Ils exigent la traduction, au moins de Mladic, qui se promène ouvertement et publiquement à Belgrade, à la Cour Pénale de La Haye. Une fois devant ses juges, il ne pourra se soustraire à la révélation des compromis conclus avec les Anglosaxons, début 1995. Il est à l'honneur de la Belgique, dont le ministre des affaires étrangères, Karel de Gucht, soutient la position hollandaise, que ce pays n'est pas succobé à la tentation de se venger de l'arrogance hollandaise.

Il est tard, mais non pas trop tard, que la vérité soit établie, et que le scandale du comportement hollandais à Srebrenica soit placé dans son contexte, et, j'espère, qu'on en tire enfin les conclusions nécessaires quant à la participation néerlandaise, actuelle (Afghanistan) et future, aux aventures militaires américaines.

(Je reviendrai bientôt sur d'autres aspects de l'engagement militaire des petits pays dans le cadre de l'ONU ou de l'OTAN, comme "Willing Allies" dans les grands conflits du monde post-communiste.)

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