05 décembre 2009

Bruxelles: Quels sont les vrais problèmes? [FR]

Bruxelles a toujours été l'orphelin du compromis à la belge.
Les divers accords nationaux depuis les années soixante-dix, ont apaisé (satisfait), les deux grandes régions et communautés linguistiques avec des transferts irresponsables d'argent et de pouvoir.
Cela s'est fait au détriment de l'administration centrale (fédérale) et, comme il est toujours plus apparent, la région bruxelloise.
À l'occasion du traité de Maastricht, les principaux dirigeants européens (Thatcher, Mitterrand et Schröder) ont mis en garde le Premier Ministre belge (Dehaene), que la dette belge énorme (plus de 100% du produit national annuel), était causée par les "compromis à la belge" et difficile à résorber aux 60% avant la limite prescrite par le traité avant la date fatale de 1999.
Ce n'est pas fait. La dette est encore beaucoup trop élevé en 2009.
Mais les deux régions principales (Flandre et Wallonie) ont nagé dans la monnaie, jusqu'à ce que la crise de l'année dernière s'éclate.
La Flandre, par exemple, a déclaré une "jobkorting" (diminution d'impôts pour les non-chômeurs) destinée exclusivement aux résidents de la région. Réduction d'impôt pour les non-chômeurs, exclusivement pour les Flamands. Les non-flamands qui sont les collègues des 300.000 Flamands qui travaillent à Bruxelles, en étaient pour leur compte! Cette mesure est maintenant inversée par le nouveau Gouvernement flamand, mais la composante séparatiste NVA du gouvernement régional actuel est aux soins quotidiens pour la création de nouveaux arrangements "flamands", qui pourraient gêner le niveau fédéral. (C'est la stratégie "Maddens", d'après le nom d'un chercheur flamand à l'Université flamande catholique de Louvain). Par exemple, en termes d'assurance maladie et les retraites.
La Wallonie,
appauvrie en vertu de la seconde révolution industrielle, où des mines et des industries lourdes des pays développés se sont évanouies, a utilisé son espace financier (et à juste titre), à travers son "plan Marshall" pour les masses sans emploi à s'engager dans de nouvelles activités productives. Exemple: L'aéroport de Charleroi ("Bruxelles Sud") à près de 60 kilomètres du centre-ville de Bruxelles. Non seulement l'aéroport elle-même, mais aussi les services qui sont attirés par elle, revigorent l'économie wallonne. À juste titre. Et heureusement. On dirait qu'on ait reproduit les résultats obtenus dans la Ruhr allemande.

Mais Bruxelles?
Actuellement, le poumon économique pour lui-même et les deux régions? Producteur de 25% du revenu national! (Avec 11% du nombre de la population nationale). "Sous-financée". C'est un mot politiquement correct pour: Négligée!

Cette négligence se manifeste dans de nombreux domaines. L'éducation en est un exemple. Imaginez-vous un instant que 800 (huit cent) enfants à Bruxelles, ne peuvent trouver accès à aucune école! L'éducation de Bruxelles n'est pas gérée par la région, mais c'est un ensemble surréaliste de corporations établis par les régions flamande et wallonne qui s'affaire. Incroyable! Il n'est pas surprenant, que les parents qui peuvent se le permettre, s'enfuient de Bruxelles. Les dizaines de milliers de fonctionnaires européens qui habient la région, n'ont pas de difficulté à trouver leur solution: L'UE finance les couts additionnels de l'enseignement privé pour leurs enfants.
Et la négligence se reflète également dans l'économie: L'appel des employeurs bruxellois à l'extension de la Région pour élargir les conditions de travail et de commercialisation en des termes plus souples, même ces appels-là sont ignorés.
Je ne m'exprime pas sur la planification (infrastructures), qui a été négligée ou surdéveloppée, au détriment des intérêts des habitants de Bruxelles.
Et la culture? Le KVS, la Koninklijke Vlaamse Schouwburg, s'adapte à Bruxelles et le public international. Elle crée une scène de la culture néerlandaise dans le centre européen de l'Europe. Réaction du ministre flamand de Bruxelles (Geert Bourgois, NVA): Menace de retirer les subventions! Le Centre Culturel néerlandais de Bruxelles, "De Buren", fait un effort à "déprovincialiser" la présence néerlandophone dans la captale européenne, mais elle est à son tour plutôt négligée par ses administrations de tutelle néerlandaises.

Ce Bruxellois-ci, d'origine néerlandaise, s'est engagé avec un mouvement qui aimerait que Bruxelles soit aux Bruxellois (ProBruXsel). Je ne suis pas toujours d'accord avec les vues de mes amis de ProBruXsel. Il y a plusieurs routes qui mènent une position légitime pour Bruxelles.
Mais ce qui nous unit est un sentiment d'injustice parce que la position de notre ville et de notre région s'est détériorée un niveau qui est indigne.
Il vaudrait mieux, que les antennes bruxelloises des grands partis (le Parti Socialiste, le Mouvement Réformateur avec sa filiale le FDF, et le CDH) se commettraient davantage à Bruxelles en tant que communauté et que région. Malheureusement ce n'est pas le cas. Même si on est engagé dans la politique de Bruxelles, comme la Présidente du CDH Joëlle Milquet, qui est échevine à Bruxelles-Ville, même si on est très intelligent comme Elio di Rupo, président du PS, on ne peut s'imaginer d'autre solution qu'une relation plus étroite Wallonie - Bruxelles pour résoudre les problèmes.
Les petits partis, vus de Bruxelles, sont ceux des Flamands: Le SP.a a son destin lié à celui de la NVA, qui est son partenaire dans l'actuel gouvernement régional flamand. Le président de la NVA, Bart De Wever estime que Bruxelles n'a pas le droit d'exister, parce qu'elle est «le produit de 1830". La ville est "infectée" par le "Belgicisme" de l'élite belge.
Est-ce la faute des 1,2 millions d'habitants?
L'intégration typique du Bruxellois, à mon humble avis, est le résultat d'années d'efforts par le Bruxellois ordinaire, efforts qui sont niés par le séparatiste en costume d'historien. Il n'y a pas lieu à rejeter les résultats de ses efforts au nom d'un axiome politique douteux, comme le Flamingantisme.
Un résident des Marolles débute sa frase en Flamand et il la termine en Français.
What's wrong with that? (Mon interprète google n'a pas su traduire "wat is daar mis mee" en français. La traduction en Anglais proposée n'est pas mauvaise. Assez lapidaire... Français, par exemple: "Est-ce que cela vous gène?")

C'est si simple pour les Flamands.
Ils n'ont qu'à reconnaître qu'il y a aussi des Flamands (belges potentiellement flamands) qui parlent français. Ou, évidemment, qui parlent les deux langues. Hors de Bruxelles, je connais déjà deux régions flamandes qui seraient d'accord: Les Flandres Occidentales (Furnes, la côte belge), qui coexistent depuis bien d'années paisiblement avec le Nord de la France, et les Limbourgeois, qui n'existeraient pas en tant que tels sans Liège et sa région.
Mais cela est de trop pour les vieux Flamingants qui constituent l'arrière-garde de M. De Wever.


Donc, il y a grand besoin d'un nouveau participant dans le jeu politique belge: Bruxelles.
Les Flamands de Bruxelles
seraient mieux avisés, à ne pas compter sur les avantages apparents qui sont originaires du Pacte Egmont et ses cousins. Il s'agit d'un «don» empoisonné. Leurs alliés réels sont leurs voisins francophones. Lier leur sort aux séparatistes flamands, mènera à leur marginalisation en tant que citoyens et en tant que participants à la sécurité sociale. Car cette dernière sera accaparée par les régions et monopolisée au profit des "vrais" Flamands. L'exclusion des non-Flamands de l'habitat social en (certaines zones de la) Flandre en est un signe précurseur.
Les Francophones à Bruxelles,
seraient mieux avisés, à ne plus croire en leur capacité à dominer mes provinciaux wallons d'expression française. Olivier Mangain (du FDF) est justement considéré par les habitants de Liège, de Mons et de Namur, comme représentant de la domination bourgeoise par Bruxelles d'antan.
Les Bruxellois francophones n'ont rien à gagner d'un Belgicisme à l'ancienne. Ils n'ont d'autre solution qu'à s'engager à défendre leur propre ville. Ensemble avec les non- ou demi-francophones.


Alain Deneef
a présidé l'an dernier sur une campagne louable pour convaincre le Bruxellois moyen de la faisabilité d'une autre façon à être Bruxellois en Belgique. En vain, on dirait. Dans le court terme, mais pas éternellement. Ce qui n'est pas, va venir. On peut comprendre, qu'il s'est abstenu d'orienter la conscience fragile des Bruxellois à un mouvement politique isolé et marginal. C'est les sections bruxelloises des partis politiques, qui doivent changer. L'action Deneef a contribué à cela. La récolte de fruits se réalisera dans les prochaines élections municipales et régionales.

Espérons toujours ...

L
a version néerlandaise de cet article est parue en De Lage Landen et en HUIBSLOG (4.12.09)

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01 décembre 2009

France: La relegation des quartiers urbains "sensibles" s'approfondit 1/12/09 [FR]


Vue prise le 9 novembre 2007 à la cité des Bosquets, à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). AFP/VINCENT NGUYEN

Le Monde, (daté du 01.12.09, Page 1, 2 et 19), sonne l'alarme sur la situation des Zones Urbaines Sensibles (ZUS):
Le rapport annuel de l'observatoire national des ZUS (Onzus), rendu public lundi 30 novembre, témoigne de la gravité de la situation dans les quartiers sensibles et éclaire les poussées de violence répétées, depuis les émeutes de 2005, d'une partie de la jeunesse des cités difficiles.

Il montre que, sur les cinq dernières années, avant même que la crise économique actuelle ne commence à faire effet, les gouvernements successifs n'ont pas réussi à corriger significativement les inégalités accumulées. Qu'il s'agisse de chômage, de pauvreté ou d'éducation, les ZUS demeurent des territoires relégués, en première ligne des tensions sociales.

Les données les plus préoccupantes concernent la pauvreté. Selon l'Onzus, 33,1 % des habitants des ZUS vivent en dessous du seuil de pauvreté (908 euros mensuels pour vivre) contre 12 % pour le reste du territoire. Cette proportion atteint le chiffre record de 44,3 % pour les moins de 18 ans habitant en ZUS, les premiers touchés par les inégalités de revenus.
Un peu d'infographie:

Infographie Le Monde, 1.12.09

L'effet "repoussoir" des jeunes chômeurs à capuche n'a fait que se confirmer depuis les événements de novembre 2005. On parle de génération perdue. Mais notre expérience nous apprend que, dans une situation pareille, toutes les générations présentes dans le quartier risquent d'être perdues.

Seule une approche intégrée, orientée au rétablissement des liens productifs entre les générations, les genres et les ethnies qui cohabitent la zone, serait capable de renverser la vapeur. Intégration des actions sur le quartier signifie la mobilisation des habitants dans un processus d'émancipation permanent. L'enseignement, l'habitat, l'économie, les loisirs, l'accessibilité, le contrôle social et la sécurité, etc. etc. seront graduellement appropriés par les habitants.

Ce n'est pas ce qu'on a fait en France, ni, d'ailleurs, systématiquement dans les autres pays européens. Un grand effort sur l'accessibilité à l'emploi n'a résulté seulement en une baisse de 17,2 à 16,9% du chômage. Les résultats sur l'autre axe principale d'intervention, la sécurité, sont apparemment aussi insignifiants. Faute d'action ciblé sur le quartier lui-même, sur la base de ses points forts et les opportunités locales, la situation est restée stagnante, donc, alarmante.

Pourtant, la France connaît une longue tradition d'interventions sur les quartiers en crise. L'expérience, positive aussi bien que négative, ne manque pas. Depuis le plan d'Hubert Dubedout (maire socialiste de Grenoble) des années '80, l'État s'intéresse de près aux problèmes. Pour le candidat Chirac à la présidence de la France, en 1993, la solution au problème du clivage social fut même un thème central de sa campagne. Une longue série de Délégués interministériels à la Ville s'est heurté à ce que je considère comme un manque de volonté à vraiment investir dans les laissés pour compte. Hormis des campagnes ponctuelles à les calmer. Rénovation de l'habitat en est un exemple. Mais en investissant en gros dans le béton, les frictions sociales (augmentation des loyers, déménagements) aussi bien que les chances de mobilisation sur d'autres domaines de la vie, sont négligées. L'effet de ces interventions ponctuelles est alors souvent négatif. Les espaces rénovées redeviennent vite des lieux insalubres, faute d'action intégrée avec les habitants.

Plus loin dans la même édition du Monde, le maire de Clichy-sous-Bois est interviewé:

Claude Dilain : Comme tous les maires de banlieue, je suis inquiet. Nous faisons face à un phénomène nouveau: la colère ne touche plus uniquement les jeunes, ceux qui étaient en première ligne pendant les émeutes de 2005, mais elle s'étend désormais aux adultes, en particulier aux trentenaires qui ont fait des études, se sont mariés, ont des enfants, mais sont retombés au chômage avec la crise. En 2005, il y avait un débat un peu théorique pour savoir si on se trouvait face à une émeute ou une révolte sociale. Aujourd'hui, dans certains cas, je sens qu'on est passés au stade de la révolte sociale et c'est dangereux.

Voilà, qu'un expert du terrain (Dilain était déjà maire en 2005) vient confirmer ce que je disais au début sur les générations "perdues". Plus important encore, me semble-t-il, est son observation centrale:

Question: Comment jugez-vous l'action de Fadela Amara ?

Elle fait ce qu'elle peut, mais les effets de son plan Espoir banlieue sont invisibles sur le terrain. Je crois qu'elle commet une erreur fondamentale en pensant que Nicolas Sarkozy veut agir. Quand il vient en banlieue, c'est uniquement pour parler de vidéosurveillance ou d'immigration. Et les transports? Le logement? L'emploi? La question de fond est: veut-on simplement que les banlieues soient calmes ou veut-on résorber les ghettos? Je crois que le président a donné sa réponse: seule la sécurité l'intéresse.

Et en effet: Quand, autrefois, il y a un siècle, on avait besoin d'une masse d'ouvriers manuels dans l'industrie et dans les services et que l'état des transports nécessitait qu'ils vivent avec leurs familles près des lieux urbains de travail, l'État et la bourgeoisie ont investi dans un minimum social, hygiénique et sécuritaire, afin de pouvoir vivre tranquillement à la proximité de ces masses-là. Actuellement, le besoin d'ouvriers et de services a beaucoup diminué. La présence de ces masses-là, gène de plus en plus. Enfermés dans leurs banlieues, privés de transport facile, c'est seulement leur non-action qui est souhaitée.

Activer, émanciper, "empowering" les habitants des banlieues peut ainsi paraître risqué aux classes moyennes. Souvent, cette angoisse n'est pas consciente. Elle se traduit par exemple en xénophobie. Ce n'est pas la vraie menace, celle de devoir partager pouvoir et richesse avec les relégués urbains, mais, par exemple leur religion, la burka, le minaret qui est perçu comme telle.

J'ai développé mes observations sur le changement fondamental dans l'interdépendance entre bourgeoisie et masses urbaines dans un article sur E-Urban (en Allemand) (26 novembre 2006): Abgehängt - Die Ausgrenzung hört nicht auf (Relégué: la marginalisation n'en finit pas).

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