25 mai 2010

Que les citoyens de Bruxelles se mobilisent pour une ville où l'Europe soit "at home"!

Depuis 20 ans, je vis avec les Bruxellois.
Ils sont bilingues, penchants vers le Français. Ils sont minoritaires dans leur pays, un pays qui est âprement divisé entre Flamands et Wallons. Ils sont même minoritaires dans leur ville à eux, envahie par les immigrés européens, africains et asiatiques.

Moi, né Batave, passé par les rébellions d'Amsterdam, je ronge mon frein.

Pourquoi mes concitoyens, les Bruxellois et les Bruxelloises, ne se révoltent ils/elles pas ? Le jeu des réformes belges les a relégués au statut d'orphelins nationaux. L'enseignement de la grande ville est géré par une configuration impénétrable de commissions, de comités et de cellules de coordination, qui se développent en rêve cauchemardesque. Je ne vous explique pas pourquoi. Imaginez-vous simplement qu'il faut une commission de coordination des autres commissions de coordination que ne coordonnent pas à cause de manque de coordination.

Kafka ! Kafka au carré !

Début du seizième siècle, mon compatriote Érasme (de Rotterdam) a visité Bruxelles. Il a vécu sur les collines de Saint-Gilles et d'Anderlecht. Il venait d'écrire la « Laus Stultitiae », la Célébration de la Bêtise, un jeu sublime et surréaliste avant la lettre. Un bateau rempli de fous traverse l'histoire : « het Narrenschip ». Ce bateau n'a toujours pas trouvé son port chez nous.

L'année 1511 a vu une rébellion des Bruxellois sans précédent et sans conséquence.
Tout comme les bourgeois de la ville de Romans en France (voir: « Le Carnaval de Romans » par Leroy Ladurie), ils refusèrent, après le Mardi Gras, d'abandonner les droits et coutumes établis par l'inversion carnavalesque des pouvoirs. Pendant des semaines, ils gardaient les reins de la ville entre leurs mains, combattaient les Bourguignons des collines au-dessus de la ville, réfutaient les droits de la cathédrale Sainte Gudule fondée par les usurpateurs, etc.

Aujourd'hui, il n'y a plus assez de vrais "Bruxellois à l'ancienne" pour réclamer nos droits. Les nostalgiques de la vieille Belgique francophone s'éteignent. Ils sont remplacés par leurs enfants et leurs petits-enfants qui ont perdu la confiance en la Belgique de papa. C'est vrai aussi pour les francophones wallons et autres, qui sont venus habiter la Ville et qui s'identifient à leur ville, à leur région, encore sans y trouver une identité prononcée.

Mais ils ne sont pas seuls. Les jeunes Flamands qui viennent occuper les quartiers du centre (gentrification) n'aiment certainement pas l'impossibilisme séparatiste des partis flamands qui veulent « reprendre » la ville de Bruxelles. Ils se sentent bien Bruxellois, mais il leur manque un point d'identification régional. Pas étonnant, qu'ils ne se mobilisent pas non plus pour une solution équitable, multilingue, et revigorante pour la ville.

C'est l'immobilité belge, quoi. Attendre, ne pas bouger, se débrouiller en cachette. Pourtant, une action visible est nécessaire ! La grande ville de Bruxelles n'est ni flamande, ni wallonne. Elle est Bruxelles. Rien d'autre.
Une chance unique, à mon avis, à créer un espace libre, ouverte et vraiment européenne.

Et à l'adresse de mes amis flamands d'Anvers, de Gand, de Louvain : Si vous ne voulez pas de nous, bas les pattes devant Bruxelles ! Les Néerlandophones de Bruxelles sauront se débrouiller tout seuls. Nous aimons notre ville, nous vivons ensemble avec nos voisins francophones. Nous voulons une ville qui nous accepte tous. Elle existe, mais elle est menacée par les deux autres grandes régions.

Pour moi, comme pour beaucoup d'autres, Bruxelles est unique. Sauvegardons la ville ouverte au monde !!!

Cet article, légèrement modifié depuis, fut publié sur la Chronique d'abonnés du journal Le Monde le 17 avril 2010 par mon alter ego Toto le Psycho. Le résultat des élections législatives fédérales du 13 juin 2010 s'annonce catastrophique pour la Ville-Orpheline.

Pour savoir plus sur Bruxelles et mes idées sur le sort de la capitale de l'Europe, voir sur HUIBSLOG la Page BruXsel, avec les quinze articles les plus récents qui se réfèrent à Bruxelles, ou lisez mon Et si les Bruxellois créaient leur Communauté à eux? du 12 janvier 2008, également sur Huibslog.

02 mai 2010

Étonnant: Les fanatiques anti-voile, souvent, se voilent eux-mêmes sur l'Internet...



Juste avant d’être congédié, le parlement belge a adopté un projet de loi contre la bourqua.

Afin d’éviter qu’on puisse prendre cette mesure pour une mesure de discrimination, le projet se réfère aux interdictions de porter une masque pendant des manifestations, ce qui pourrait empêcher l’enregistrement d’un manifestant par les forces de l’ordre.

C’es pourquoi le projet de Loi contient des exceptions. Par exemple pour le Carnaval. Alors, le port de voiles qui cachent la figure est exceptionellement toléré.

M. Dietmar Naeher, le Stuttgartois qui lutte depuis plusieurs années sans arrêt contre le méga-blog hypocrite et haineux “Politically Incorrect”, a eu une idée lumineuse, aujourd’hui.

Qu’est-ce que tous ces blogueurs anonymes et leurs commentateurs encore plus anonymes et pseudonymes, qu’est-ce qu’ils diraient, si l’on interdirait aussi que l’on se cache derrière des voiles pseudonymes sur l’Internet? Le tollé serait gigantesque!

D’abord: Ce n’est pas mon idée. Qu’ils continuent à se cacher. Je m’en fous. Je les reconnais à la première vue. Et ils n’ont quasi jamais quelque chose nouvelle à contribuer.

Mais il est évident que les motifs que les ennemis de la bourqua invoquent pour son interdiction, s’appliquent sans problème à eux-mêmes. Considérons:
  • L’anonymat est une expression du système de répression de l’opinion et du choix libre. Les citoyens d’avant les Lumières étaient obligés à se cacher. Selon les Islamophobes, c’est les Lumières qui nous distinguent des barbares de la culture tribale et paternaliste de l’Islam. Alors, pourquoi continuer à se masquer? C’est une offense à notre société libre qui garantit la libre expression de nos opinion et qui nous met individuellement devant nos responsabilités, si, par hasard, nous avons commis une erreur, une transgression, des prescriptions de nos lois.
  • Écrire et attaquer anonymement, c’est se moquer de la supervision des juges et des services policiers qui garantissent l’État de droit en notre nom, puisque nous les avons élus et chargés de mandats.
Notre ami Dietmar s’attend à une campagne vigoureuse pour le maintien du droit à la voile de l’anonymat/pseudonymat, au cas où ceux-ci seraient menacés par une interdiction sur l’Internet.

Quelle paradoxe! Les voileurs anti-voile se défendent contre les mesures à l’égard des voilées!

Pendant tout cet brouhaha, il faut continuer à se rendre compte qu’en Belgique il n’y a pas plus que trente femmes qui se voilent la figure.

C’est pourquoi je me permets à proposer une solution bien belge au dilemme. La voici. Nous prenons la décision que le Carnaval soit PERMANENT. Disparus seraient les problèmes de masquerade! Tout le monde sera toujours masqué. Prince Carnaval, élu non pas pour quelques jours, mais pour un mandat de 4 ans, veillerait sur notre liberté.

Ce n’est même pas une idée originale. Pendant les troubles qui marquaient la transition du Moyen-Âge aux temps Modernes, deux villes, Romans et Bruxelles, ont décidé de prolonger les jours de pouvoir populaire du carnaval au-delà du mercredi des cendres. À Romans, selon l’historien Leroi Ladurie (Le Carnaval de Romans), les citoyens refusaient à réinstaurer le pouvoir des nobles et ont continué à exercer un pouvoir sauvage, précurseur de la Grande Révolution qui arrivera après trois siècles.
À Bruxelles, les citoyens se révoltaient contre le pouvoir bourguignon/habsbourgeois, qui s’installait sur les collines du Koudenberg (1511). Prince Carnaval refusa à céder ses fonctions aux pouvoirs traditionnels et les Bruxellois s’adonnèrent aux joies bruegeliennes qui sont encore visibles sur les tableaux de cette époque.
La solution belge, très belge, est donc dans le domaine du possible.

Mais il n’y a pas que la Belgique. Aux Pays-Bas aussi, des élections sont prévues pour le 9 juin.

Le “parti” de M. Geert Wilders compte 50 candidats aux postes d’élus. 49 d’entre eux sont interdits de parler. Á l’exception de Geert Wilders lui-même, aucun des autres 49 représentants du peuple proposés ne peut dire un seul mot dans les médias. Ils et elles sont rendus muets sous une bourqua virtuelle. 

S’il leur était permis de parler, ils diraient que leur mutisme, leur mise sous voile, est volontaire. Mais, vous le savez bien, c’est aussi ce que disent les porteuses de bourquas.

Alors, quelle conclusion en tirer? Est-ce aussi une question de “culture”, comme M. Wilders dirait? La coutume de l’Omerta, le retrait de tous les membres de la communauté derrière un mur au profit du padrone, n’est-ce pas une coutume tribale, paternaliste et … mafieuse?

Avant d’exiger la “transparence” à tout prix des immigrées, ne serait-il pas nécessaire de se libérer soi-même de l’anonymat, du pseudonymat, et d’accepter qu’on puisse s’inscrire comme membre dans le parti, à dévoiler les sources occultes (Etats-Unis, Israel) de ses finances, bref, de se dévoiler soi-même?

Sinon, c’est plutôt mafieux, ce qui se passe, non?
———-
(Cette opinion a été publiée antérieurement en Néerlandais chez krapuul, chez De Lage Landen et sur HUIBSLOG)
(Elle a été publiée en Français sur Toto Le Psycho, et sur Huibslog et le sera aussi sur At Home in Europe-Euractiv).
Related Posts with Thumbnails