24 mars 2007

EU: L'autruche hollandaise s'enterre davantage

En 2005, quelques jours après la France, les Hollandais ont dit "non" au traité constitutionnel proposé par les chefs d'État et de gouvernement de l'EU. Tandis que la France participe pleinement aux discussions européennes qui doivent résulter en une solution à l'impasse, les Néerlandais se sont retirés dans un silence boudant. Le nouveau gouvernement de centre-gauche, résultat des élections parlementaires de novembre 2006, a décidé de continuer cette ligne de conduite.

Sa récente 'lettre' aux élus en témoigne. Voici ce qu' "euractiv" en dit:

La lettre envoyée au Parlement le 19 mars 2007, par le ministre des affaires étrangères néerlandais, Maxime Verhagen, et le ministre des affaires européennes, Frans Timmermans, présentait la position des Pays-Bas concernant un nouveau traité européen qui semble adopter une attitude eurosceptique.

Le porte-parole du gouvernement, Jan Willem Beaujean, a confirmé que "le gouvernement néerlandais plaidait en faveur d'un texte concis, technique et minimaliste".

Le document propose d'améliorer le contrôle démocratique, de donner aux parlements nationaux davantage la parole et de limiter les compétences de l'UE. Les domaines politiques tels que les retraites, l'imposition, l'éducation, la sécurité sociale, la culture et la santé, devraient rester dans le domaine reservé de l'Etat.

Selon la déclaration, les questions relatives à l'énergie, au changement climatique, à l'asile et à la migration ainsi qu'à la lutte contre le terrorisme et le crime transfrontalier pourraient être mieux traitées au niveau européen. Ceci est conforme à l'accord de la coalition, selon lequel : "Le résultat obtenu doit être clairement différent du traité constitutionnel précédemment rejeté au niveau du contenu, du champ d'action et du nom".

Le gouvernement souhaiterait également établir des règles et des critères pour la poursuite de l'élargissement dans le nouveau traité, tels que les critères de Copenhague. L'élargissement a également joué un certain rôle dans le rejet du traité constitutionnel des Pays-Bas.

Cependant, le gouvernement a intentionnellement laissé sans réponse la question d'un éventuel deuxième référendum pour le nouveau traité.

Tout cela n'est pas à prendre au sérieux. C'est un texte pour consommation intérieure. Car, quel est le cas?

Rejeter la "faute" à l'Union Européenne
Le gouvernement précédent, centre-droite, également présidé par M. Balkenende (photo), n'a toujours pas su trouver de réponse au camouflet qui lui a été administré par une grande majorité des votants.
Le premier motif des votants du "non" a été leur volonté d'avertir le gouvernement précédent dont la majorité n'aimait pas du tout les "réformes" libérales. Le vote désastreux pour les partis de ce gouvernement-là, en mars 2006 aux élections locales, en est la preuve.
La CDA chrétien-démocrate, le parti du premier ministre, a choisi de ne pas l'entendre de cette oreille. Comme si M. Balkenende n'avait pas signé le traité à Rome, en 2004, et en oubliant la grande majorité parlementaire qui, à l'époque, l'y soutenait, la faute a été rejetée systématiquement sur l'Europe, ses bureaucraties et ses dysfonctionnements.
Ces derniers ne sont pas négligeables du tout. Une bonne opportunité à remédier un peu à celles-là, était justement ce malheureux traité concocté par Giscard.
Mais, cédant à l'atmosphère xénophobe et provincialiste qui s'est développée dans le pays depuis quelques années, la classe politique, le plus grand parti d'opposition, le PvdA social-démocrate, inclus, a opté pour une attitude d'autruche: la tête sous le sable en attendant que l'orage passe.

L'Union européenne selon Balkenende: bonne à faire les sales boulots
Ce n'est pas sérieux, de vouloir limiter d'un côté les compétences de l'EU, mais de l'autre côté lui reléguer des compétences centrales de la souveraineté nationale, comme l'immigration et la lutte antiterroriste! C'est simplement une manoeuvre pour se débarasser de sujets politiques difficiles en cachant au public, que ces compétences-là entraîneraient une plus forte mainmise de Bruxelles sur la police, les services de sécurité, l'armée et la vie privée des citoyens.

En attendant, les Pays-Bas, n'ayant pas de projet européen, perdent chaque jour un peu plus de leur influence dans les affaires européennes. Car, justement parce que l'EU n'est pas un "super-État" (M. Balkenende au Parlement de La Haye, mardi), mais un conglomérat chaotique, où les États (et les lobbyistes) doivent lutter avec des moyens du bord afin de protéger leurs intérêts et de diriger le grand vaisseau vers le large, une absence boudante est nocif pour le boudeur, pas pour les autres.
Les Anglais, dont les idées sur le projet européen divergent beaucoup plus de celles de la majorité des citoyens de l'EU que les convictions hollandaises, ne se privent pas d'une présence active, parfois saboteur, dans toutes les ramifications européennes. Le gouffre qui sépare les ambitions pro-européennes de la classe politique néerlandaise, mises sous sourdine après le référendum, de leurs déclarations ambigues et "eurosceptiques", a un effet paralysant sur la politique européenne du pays. C'est le pire des trois voies que le gouvernement holladais aurait pu choisir après juin 2005.

En n'osant pas choisir avec courage, les Hollandais se retrouvent dans le pire de trois mondes...
  1. Il aurait pu reconnaître que le vote du non a été une manifestation contre la politique du gouvernement, rectifier sa ligne et resoumettre le traîté au vote, en s'expliquant mieux sur les conséquences d'un non qu'il ne l'avait fait au printemps 2005. Il n'a pas eu ce courage.
  2. Il aurait pu s'associer à la Grande-Bretagne et abandonner toute autre ambition qu'une espace de libre commerce. C'est ce que le parti libéral-conservateur VVD aurait sans doute préféré, s'il avait osé le dire. Il était alors au gouvernement et son leader historique Bolkestein n'est personne d'autre que le commissaire européen qui alors proposait de remettre les salaires et les conditions de travail des pays historiques de l'EU au niveau d'il y a 50 ans, en permettant au compradoriat est-européen d'y imposer ses conditions. Mais, en sachant que la majorité des citoyens hollandais se révolteraient, il s'est tu.
  3. La troisième voie, celle de rien faire, est pire que les autres: Elle combine l'isolement de la voie 2., isolement qu'un petit pays continental comme les Pays-Bas, autrement que le Royaume Uni, ne peut pas se permettre, avec les désavantages de la voie 1, soit il, que la classe politique se paye un sursis avant le moment inévitable, où elle devra se déclarer.
L'illusion isolationiste, maintenue soigneusement par des politiciens qui savent parfaitement que l'heure du choix s'approche et que les Pays-Bas ne peuvent pas se permettre d'en subir les conséquences sur les plans économiques et sécuritaires, est pernicieuse pour l'EU entière, aussi bien que pour le pays lui-même.
Avoir le courage de ses convictions - ce n'est pas ce qui se manifeste à La Haye, en ce moment...

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