Un début de réponse se trouve dans le texte suivant, extrait d'un mail que je viens d'envoyer à une collègue portugaise. Sociologue, elle avait abandonné une poste administrative dans le service social de sa région natale, pour se lancer sur un terrain inconnu: les faubourgs en dérive de la vieille ville industrielle de Sétubál.
Voici ma "profession de foi professionnelle":
Le monde des gérants de projets urbains est rempli de gens comme toi et moi. Des hommes et des femmes qui souvent ont sacrifié une carrière administrative ou scientifique, ou, de toute façon, une vie tranquille, afinde poursuivre les objectifs qu'ils s'étaient proposés dans leur jeunesse.
Des objectifs concrets de société, de communauté, enfin, de "solidarité"aussi. Mais celle-ci sort déjà de l'ensemble de nos motifs: Les donateurs des charités sont "solidaires" aussi, n'est-ce pas?
C'est pourquoi je l'aime, cette communauté trop virtuelle des chefs de projet urbains. C'est une profession qui ne s'apprend pas aux écoles. Pourtant, il en existe une méthodologie, j'en suis certain, mais elle n'a pas encore été révélée aux universités.
On est terriblement seuls aussi, dans notre travail. C'est en partie une choix: nous sommes des individualistes qui ont horreur des inspections bureaucratiques. Mais le côté négatif de cette isolation-là se révèle, quand nous nous rencontrons sur le plan européen. Alors, tout d'un coup, la découverte de l'existence de collègues, de frères et soeurs (enfin: disons "cousins") qui ont une histoire parallèle à la nôtre, qui se battent avec les mêmes problèmes et qui y trouvent souvent les mêmes solutions que nous - ou des meilleures.
Paradoxalement, la distance géographique nous rapproche alors. J'explique cela ainsi: La distance géographique nous permet de laisser tomber nos carapaces habituelles contre la méfiance des habitants des quartiers, contre les autorités administratives de tutelle et, peut-être aussi, nos boucliers à l'encontre des individualistes du quartier voisin ou de la ville voisine.
C'est d'une richesse énorme et les rencontres de travail de cette sorte-là m'inspirent toujours à découvrir des choses nouvelles ou à créer une nouvelle ligne de pensée qui pourrait enrichir la "méthodologie" future de l'émancipation urbaine.
C'est ce que je viens d'écrire à ma correspondante au Portugal. Il y aurait plein d'autres observations à faire:
- la non-compréhension de l'approche holistique (politiques intégrées qui partent de l'individu et du groupe et qui ne connaissent aucun tabou sur le plan des secteurs de l'administration à attaquer);
- les charges administratifs lourds des chefs-de-projet, qui sont chaque fois obligés de "traduire" leurs rapports d'activités vers les cadres administratifs, périmés depuis, qui ont été définis à l'origine du projet;
- la comparaison des trajets de perfection professionnelle des chefs de projet locaux avec les "chemins d'apprentissage" des apprentis artisans des temps pré-industriels, qui parcouraient l'Europe entière afin de pouvoir apprendre leur métier, loin de leur ville, loin de leurs parents, et de commettre les fautes du débutant dans une ambiance neutre, image dû au seul spécialiste scientifique engagé dans ce monde: Claude Jacquier du CNRS, Grenoble;
- la "seven-years-itch" qui fait que, trop souvent, après un maximum de sept années, les autorités coupent radicalement court aux projets en route, en détruisant la difficile confiance gagnée auprès des habitants, ainsi que les savoir-faire des chefs de projet locaux;
- etc., etc...
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