Le Chef de Projet urbain en Europe (3)
Une autre, une VRAIE, cette fois-ci *), responsable d'intervention urbaine au Portugal vient d'écrire:
"...Le gouvernement a gelé tous les budgets d' [action] communautaires ... dans les quartiers urbains à difficultés, en attendant une nouvelle Loi sur les interventions [dans le cadre du] Programme de Lisbonne. [...] Les habitants du quartier [X] de la Ville d' [Y] font la grève. Ils ne savent plus comment expliquer cela aux gens du quartier. Ils se sentent [...] trahis. Deux de mes collaborateurs vont partir: Ils cherchent un boulot plus stable. C'est le [...(mot que je ne comprends pas)] ici... Nous sommes sur le quartier depuis 4 ans. Les responsables de la ville sont très contents de notre travail. Il y a beaucoup de projets en route. [...] Les gens ont vraiment pris de risques et ils ont été ouverts à des compromissions difficiles à défendre devant les habitants..."
The Seven-Years' Itch
Notre travail est en manque de plusieurs choses.
L'émancipation des groupes défavorisés ne figure quasi jamais en tant que telle dans les programmes de rénovation urbaine.
Pourtant, c'est celle-là, et rien d'autre, qui est le vrai objectif de notre intervention. Une amélioration durable de la condition de vie des habitants das quartiers urbains à difficultés, passe nécessairement par l'émancipation. Qu'est-ce que c'est l'émancipation? C'est que les habitants, ou un groupe d'habitants, s'engagent sur un chemin qui les fait sortir de leur condition figée, sans perspectives, vers une participation nettement plus forte aux activités économiques, culturelles et sociales de la communauté environnante. Émancipation ne signifie pas qu'on renie ses racines: au contraire, les bagages de savoirs historiques, particuliers, seront exttrèmement utiles pour se créer des "niches" dans l'économie, pour obtenir une reconnaissance par la culture en pour se maintenir dans la lutte sociale. Nous parmons ici de processus qui prennent un temps à mesurer en années et qui sont chaque fois uniques, à cause des origines divergeantes et des conditions spécifiques posées par chaque environnement urbain.
Le respect des délais minimaux que nécessitent ces processus-ci, n'est pas non plus inscrit dans les programmes d'intervention. C'est pourquoi les autorités de tutelle croient, qu'on puisse interrompre ces processus-là à chaque moment, afin d'y ajouter (dans le meilleur des cas) de nouveaux objectifs. Et, dans le pire des cas, ce qui arrive, hélas, le plus souvent, on pense qu'il serait possible de recommencer à zéro et réengager les gens sur des autres objectifs.
Tout cela souffre également du fait, qu'il n'existent, dans le plupart des cas, pas de "bench marks" pour mesurer l'avancée de l'émancipation comme processus complexe, multisectoriel, qui sort des notions sectorielles de l'administration (et des sciences) et qui transgresse les limites des cloisons administratifs et scientifiques traditionnels.
Il n'y a donc pas moyen, dans l'administration, à balancer les pertes d'une rupture contre ce qu'il y aurait éventuellement à gagner avec une nouvelle approche. Pourtant, régulièrement, souvent après trois ou quatre ans, l'administration aura oublié ce qu'elle a mis en cause par son intervention sur le quartier et va déclarer qu'elle renonce aux objectifs originaux et qu'elle va s'en poser d'autres, plus modernes, plus efficaces, mieux subventionnables. C'est ce que j'appelle "the Seven-Years' Itch": le châtouillement qui envahit l'administration après quelques années et qui l'amène à détruire tout ce qui aurait éventuellement obtenu, en annonçant un renouveau brillant, plein d'espoir et qui sera complètement différent des politiques antérieures.
Les projets urbains que j'ai connus, ne sont que rarement échappés à cette effervescence administrative périodique. Parfois, les chefs de projets y ont survécu: Après une série de discussions au niveau politique, une reformulation du projet a permis de continuer le travail entamé. Les noms et les appellations avaient changé, les personnes et l'approche ont duré. Mais, dans la plupart ces cas, même si le personnel d'intervention et les grandes axes de son travail aient été sauvés, les cadres locaux, les personnes qui s'étaient engagées sur le quartier parmi leurs cohabitants, ont été perdues pour le projet. Découragement, sentiment d'avoir été trahi, enfin... Vous vous l'imaginez mieux que moi.
Les remèdes se situent au niveau de la contractualisation, soit-elle avec les responsables locaux ou avec des administrations super-locales. La contractualisation devrait comprendre (idéalement) une durée suffisante de l'intervention (au moins 5 à 7 années, mais plutôt 10), et/ou une convention sur l'évaluation des résultats qui se base sur des critères d'émancipation, ainsi que une liberté d'adaptation du caractère et de l'ampleur des interventions à entreprendre, selon ce qui résulte de la progression de l'analyse, de plus en plus commun, basé sur un dialogue avec les habitants.
De la part des Chefs de projet, il est essentiel, d'engager les responsables politiques et administratifs dans ces processus. Il ne faut pas se cacher et espérer qu'on nous laisse faire. Il est nécessaire d'immuniser ces gens-là, dans la mesure du possible, contre le châtouillement politique périodique à venir. Le niveau politique local, si engagé avec nous, a la possibilité, dans bien des cas, à protéger le projet contre les secousses de la politique nationale. A l'inverse, il s'avère aussi possible, à engager par exemple le niveau européen pour une plus grande stabilité. Les contrats de subvention européenne, s'ils sont bien ancrés dans les objectifs du projet, fournissent une protection bien efficace contre des velléités locales ou nationales, car ils comportent un cofinancement qui risquent d'être mis en danger par des trop brusques changements de course.
Dans votre cas, s'il est vrai que le projet n'a pas assez d'ancrages dans la politique locale, ni l'européenne, la meilleure tactique à adopter, c'est celle de l'hibernation: préserver autant que possible les réseaux et les cadres mis en place et formés, assurer une continuation des rémunérations des collaborateurs au projet en développer des activités temporaires afin de jeter un "pont" entre les deux phases d'engagement politique. Beaucoup d'habitants connaissent eux-mêmes de telles situations et ils seront solidaires.
*) J'avais voulu protéger l'identité de ma "Portugaise" des CdPU 1 et 2. Elle n'a pas apprécié. Je comprends. C'est une autre, d'un autre pays. Si elle veut, elle peut révéler son identité ici. En attendant, une autre collègue, cette fois-ci une vraie Ibérique, est intervenue, en croyant que ma "première" Portuguaise était un collègue à elle. Je m'excuse auprès de mes deux correspondants. J'espère que "la cause" commune primera...
26 janvier 2006
19 janvier 2006
REGENERA La Haye: Où j'en suis.
Le réseau REGENERA d'URBACT s'occupe de l'étude des effets et des conditions de l'intervention urbaine, intégrée et localisée, sur la Qualité de Vie. Ville centrale du réseau européen est Lyon. La composition et le programme du réseau sont résumées par URBACT ici (Cela se voit avec "flash". Possibilité de l'installer sur place).
J'ai parlé plusieurs fois de REGENERA. Dernièrement sur "At Home in Europe", référencié plus loin dans le texte, et aussi sur "Toto Le Psycho", où l'on retrouve quelques impressions de la visite à La Haye, ainsi que les fotos de beaucoup des acteurs principaux de REGENERA en action.
Premiers éléments pour une contribution basée sur les recherches à La Haye (décembre 2005) pour l’étude sur la Qualité de Vie urbaine du Réseau urbain européen d'URBACT-REGENERA
Bruxelles, 19 janvier 2006
J'ai étudié un peu la situation hollandaise, par rapport aux initiatives et actions, ayant une relation (éventuelle) à la Qualité De Vie dans les quartiers de La Haye.
Sur le plan national: c'est une mer à boire. Même si je me limite à la santé proprement dite. Car il faut y inclure évidemment tout le "bien-être" aussi, i.e.: les "zorg-arrangementen" pour les vieux, les grands-malades, les handicapés, etq..
La raison principale en est la série impressionnante de transformations que l'actuel gouvernement centre-droit a réussi à mettre en oeuvre.
Les tendances principales de l’"Umwertung aller Werten" quasi-totale dans le domaine, sont:
Une bonne entrée dans les tendances actuelles de la politique de la Ville aux Pays-Bas, voir la Loi "Rotterdam" (Rotterdam-Wet), proposée par la majorité populiste du Conseil Municipal de la ville de Rotterdam en 2003 à tendance raciste et sécuritaire, puis un peu ramollie par le Parlement et étendue aux trois grandes villes du pays. Elle vient d'être promulguée et son application a été le sujet d'une conférence du gouvernement avec les trois villes, le 16 janvier dernier. Informations en néerlandais chez Kenniscentrum Grote Steden, qui sera sans doute disponible bientôt sur KCGS-International et l'EUKN.
Sur le plan local, il est important à noter que, traditionnellement, la Ville de La Haye a une préférence plus marquée que les autres grandes villes, à travailler avec l'initiative privé non-commerciale.
Un bon exemple de cette stratégie est fourni par le Plan municipal pour les quartiers en difficulté du Sud-Ouest de la Ville (que nous n'avons pas visités en décembre), à consulter (avec son rapportage intermédiaire de 2005) via KCGS sur "Actieplan voor sociale kwaliteit Den Haag". C'est en néerlandais, mais il est évident que le Plan consiste surtout en une allocation minutieuse de fonds à des organisations culturelles et caritatives, y compris des mosquées.
En soi, cela ne constitue qu’un petit début d’analyse.
Les effets sur la qualité de vie des habitants et des autres citoyens de la ville, dépendent, surtout dans le cadre de l’approche de La Haye, en première place des capacités des coordinateurs sur place et de l’implication structurée des habitants dans le Plan. En deuxième place, il me semble qu’il faudrait également étudier la solidité et la durabilité des structures sociales sur lesquelles les plans haguenois s’appuient si fort.
Est-ce que l’équipe de suivi scientifique a adopté ou élaboré un set de critères pour évaluer les unes et les autres ?
En construisant une contribution à REGENERA en commençant ainsi, par « en-bas », je trouverai peut-être moyen de jeter plus de lumière sur ce qui forme l’arrière-plan politique, économique et sociale, et de distinguer entre ce qui relève du politiquement possible , de la volonté donc, en le contrastant aux conditions moins influençables.
Huib Riethof
e▪urban Urban Regeneration in Europe
By: c.v. Postquam European Advisers
Place Morichar, 12 - 1060 Brussels, BelgiumTel: +32 2 537 67 33 - Mobile: +32 475 25 67 82 - Fax: +32 2 537 31 91
HUIBS.NET At Home in Europe
J'ai parlé plusieurs fois de REGENERA. Dernièrement sur "At Home in Europe", référencié plus loin dans le texte, et aussi sur "Toto Le Psycho", où l'on retrouve quelques impressions de la visite à La Haye, ainsi que les fotos de beaucoup des acteurs principaux de REGENERA en action.
Voici un bref rapportage de ma main sur le progrès des travaux par rapport à la ville hollandaise de La Haye, où le thème de la Santé a été étudié par une équipe internationale du Réseau, début décembre 2005.
Premiers éléments pour une contribution basée sur les recherches à La Haye (décembre 2005) pour l’étude sur la Qualité de Vie urbaine du Réseau urbain européen d'URBACT-REGENERA
Bruxelles, 19 janvier 2006
J'ai étudié un peu la situation hollandaise, par rapport aux initiatives et actions, ayant une relation (éventuelle) à la Qualité De Vie dans les quartiers de La Haye.
Sur le plan national: c'est une mer à boire. Même si je me limite à la santé proprement dite. Car il faut y inclure évidemment tout le "bien-être" aussi, i.e.: les "zorg-arrangementen" pour les vieux, les grands-malades, les handicapés, etq..
Les bâtiments du parlement et du gouvernement néerlandais se trouvent à La Haye, mais Amsterdam est la capitale du pays. On voit la 'Hofvijver' (Étang de la Cour' des Comtes médiévaux de la Hollande); en avant-plan plusieurs bâtiments du parlement et la "Tourette": le cabinet du premier ministre; en arrière-plan: édifices des ministères et de grandes entreprises. A quelques centaines de mètres au Sud-Est se trouvent, derrière la Fracture Sociale locale, les quartiers les plus démunis du pays, comme la 'Schilderswijk'.
La raison principale en est la série impressionnante de transformations que l'actuel gouvernement centre-droit a réussi à mettre en oeuvre.
Les tendances principales de l’"Umwertung aller Werten" quasi-totale dans le domaine, sont:
- privatisation (p.e.: assurances-maladie gérées exclusivement par le privé à partir du 1.1.06),
- dévolution massive de responsabilités étatiques non-privatisées vers les villes (p.-e.: chômage et réinsertion),
- remplacement de la solidarité civique par "self-care": assurances individuelles et familiales remplaçant les assurances collectives nationales,
- exclusion (ou diminuer l'inclusion) des catégories de la population qui sont les moins bienvenues: les immigrés non-occidentaux, les chômeurs à longue durée, les gens prépensionnés contre leur gré, etq.
- une préoccupation très forte avec la "sécurité", i.e.: propositions à diminuer ou retirer les allocations sociales de parents de jeunes "révoltés", barrières financières (pour en éviter des ethniques) contre l'étabillement de gens relativement pauvres dans certains quartiers, etq.
Une bonne entrée dans les tendances actuelles de la politique de la Ville aux Pays-Bas, voir la Loi "Rotterdam" (Rotterdam-Wet), proposée par la majorité populiste du Conseil Municipal de la ville de Rotterdam en 2003 à tendance raciste et sécuritaire, puis un peu ramollie par le Parlement et étendue aux trois grandes villes du pays. Elle vient d'être promulguée et son application a été le sujet d'une conférence du gouvernement avec les trois villes, le 16 janvier dernier. Informations en néerlandais chez Kenniscentrum Grote Steden, qui sera sans doute disponible bientôt sur KCGS-International et l'EUKN.
"Julie, La Haye"
est le titre de cette photo de la célèbre photographe féministe Rineke Dijkstra. Elle fait partie d'une série d'images captivants de filles et de femmes de tous les pays d'Europe.
est le titre de cette photo de la célèbre photographe féministe Rineke Dijkstra. Elle fait partie d'une série d'images captivants de filles et de femmes de tous les pays d'Europe.
Sur le plan local, il est important à noter que, traditionnellement, la Ville de La Haye a une préférence plus marquée que les autres grandes villes, à travailler avec l'initiative privé non-commerciale.
(La Haye Sud-Ouest: Bel urbanisme social des années 50/60. Immigration et négligence y demandent interventions intégrées.)
Un bon exemple de cette stratégie est fourni par le Plan municipal pour les quartiers en difficulté du Sud-Ouest de la Ville (que nous n'avons pas visités en décembre), à consulter (avec son rapportage intermédiaire de 2005) via KCGS sur "Actieplan voor sociale kwaliteit Den Haag". C'est en néerlandais, mais il est évident que le Plan consiste surtout en une allocation minutieuse de fonds à des organisations culturelles et caritatives, y compris des mosquées.
En soi, cela ne constitue qu’un petit début d’analyse.
Les effets sur la qualité de vie des habitants et des autres citoyens de la ville, dépendent, surtout dans le cadre de l’approche de La Haye, en première place des capacités des coordinateurs sur place et de l’implication structurée des habitants dans le Plan. En deuxième place, il me semble qu’il faudrait également étudier la solidité et la durabilité des structures sociales sur lesquelles les plans haguenois s’appuient si fort.
Est-ce que l’équipe de suivi scientifique a adopté ou élaboré un set de critères pour évaluer les unes et les autres ?
En construisant une contribution à REGENERA en commençant ainsi, par « en-bas », je trouverai peut-être moyen de jeter plus de lumière sur ce qui forme l’arrière-plan politique, économique et sociale, et de distinguer entre ce qui relève du politiquement possible , de la volonté donc, en le contrastant aux conditions moins influençables.
Huib Riethof
e▪urban Urban Regeneration in Europe
By: c.v. Postquam European Advisers
Place Morichar, 12 - 1060 Brussels, BelgiumTel: +32 2 537 67 33 - Mobile: +32 475 25 67 82 - Fax: +32 2 537 31 91
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15 janvier 2006
M. Bush défend la "nécessité" de Guantanamo devant Mme Merkel
Ce n'est pas étonnant sur Le Monde.fr : M. Bush défend la "nécessité" de Guantanamo devant Mme Merkel
mais il la regarde d'une façon qui fait penser à Mme Miers. C'est horrible. Voir Toto au blog du "Monde".
mais il la regarde d'une façon qui fait penser à Mme Miers. C'est horrible. Voir Toto au blog du "Monde".
12 janvier 2006
Banlieues, chômage et communautés, par Daniel Cohen
Une contribution de Daniel Cohen, remarquable, aujourd'hui au journal Le Monde: Banlieues, chômage et communautés.
Il explique un phénomène, celui du chômage et de la rupture sociale des certaines catégories de jeunes des cités, non pas par leurs origines ethniques, religieuses ou culturelles, mais par les succès ou les non-succès des générations (immédiatement) précédentes.
Pour fonder sa proposition, Cohen élabore sur un fait social (et culturel) trop peu pris en compte dans les recherches et invisible dans les statistiques: celui de la solidarité familiale-communautaire. Les parents fournissent les moyens pour les jeunes à aller gagner leur vie, de préférence dans une entreprise familiale ou faisant partie de la communauté, naturellement dans leur propre intérêt (soutien pendant leur vieillesse).
C'est un motif aussi pour discipliner et orienter les jeunes, vers l'école, l'apprentissage. Les jeunes, une fois adultes, transmettront ce "capial" (qui est en partie non-monétaire) aux générations suivantes.
Une fois cette chaîne brisée, par exemple à cause d'une exclusion massale du travail d'une génération, les parents n'auront plus rien à transmettre, les jeunes révoltent contre eux, car la discipline que les parents veulent imposer, ne mène à rien. Elle n'a plus de sens.
Les vieux se retirent, dans une attente impuissante. Les jeunes prennent la rue. Et ils seront reniés par leurs enfants à leur tour.
Il n'y a pas seulement des ruptures de générations dans ces cas-là, mais aussi des ruptures entre hommes et femmes. Les femmes régissent différemment à ces événéments-là. Elles se trouvent des boulots, suivent mieux l'enseignement et s'occupent des enfants, souvent comme mère célibataire.
Dans un monde avec un niveau assez bas de solidarité au niveau national, comme les Etats-Unis, ce méchanisme communautaire est plus évident qu'ailleurs, par exemple en France, où, depuis la fin du dix-neuvièmle siècle, l'éducation est affaire d'état. Et la solidarité aussi. On y est si frileux à prendre en compte les faits communautaires, fédéralistes, qu'elles sont refoulées dans les recherches et l'observation de la réalité de tous les jours.
Pourtant, comme Cohen constate, la société française est en partie toujours fondée sur ces solidarités familiales, communautaires. C'est ce qui rend un niveau moyen de chômage assez élevé (10%) encore tolérable pour les catégories de la population qui n'ont pas connu ces ruptures d'exclusion dans les générations immédiatement précédentes. On se débrouille, entre parents et enfants, oncles, cousins, dans le village, entre les copains d'une profession particulière.
Les paratiquants de la régénération urbaine connaissent tout cela. L'important, c'est que l'on commence apparemment à s'en rendre compte ailleurs aussi.
Je trouve que l'intervention de Cohen au "Monde" est un signal très utile, qu'il faut arrêter de chercher exclusivement les problèmes et les solutions dans les quartiers à difficultés dans le domaine de la culture, de la religion ou dans le fonctionnement de l'accès au travail.
Sans renier une responsabilité générale étatique, il s'avérera (et il s'est avéré) parfaitement viable à réparer cette rupture des générations qui empêche qui un certain communautarisme joue son rôle bénéfice.
Je pense à l'application des programmes-histoire, par exemple, qui renouent l'actualité et le présent, qui ressoudent les générations, en remettant à la lumière les savoirs utiles des anciens et les savoirs nouveaux des jeunes qui ont à se battre pour une place digne dans la société.
C'est un débat à suivre. et à transformer en actions concrètes!
Même dans les Etats qui situent
Il explique un phénomène, celui du chômage et de la rupture sociale des certaines catégories de jeunes des cités, non pas par leurs origines ethniques, religieuses ou culturelles, mais par les succès ou les non-succès des générations (immédiatement) précédentes.
Pour fonder sa proposition, Cohen élabore sur un fait social (et culturel) trop peu pris en compte dans les recherches et invisible dans les statistiques: celui de la solidarité familiale-communautaire. Les parents fournissent les moyens pour les jeunes à aller gagner leur vie, de préférence dans une entreprise familiale ou faisant partie de la communauté, naturellement dans leur propre intérêt (soutien pendant leur vieillesse).
C'est un motif aussi pour discipliner et orienter les jeunes, vers l'école, l'apprentissage. Les jeunes, une fois adultes, transmettront ce "capial" (qui est en partie non-monétaire) aux générations suivantes.
Une fois cette chaîne brisée, par exemple à cause d'une exclusion massale du travail d'une génération, les parents n'auront plus rien à transmettre, les jeunes révoltent contre eux, car la discipline que les parents veulent imposer, ne mène à rien. Elle n'a plus de sens.
Les vieux se retirent, dans une attente impuissante. Les jeunes prennent la rue. Et ils seront reniés par leurs enfants à leur tour.
Il n'y a pas seulement des ruptures de générations dans ces cas-là, mais aussi des ruptures entre hommes et femmes. Les femmes régissent différemment à ces événéments-là. Elles se trouvent des boulots, suivent mieux l'enseignement et s'occupent des enfants, souvent comme mère célibataire.
Dans un monde avec un niveau assez bas de solidarité au niveau national, comme les Etats-Unis, ce méchanisme communautaire est plus évident qu'ailleurs, par exemple en France, où, depuis la fin du dix-neuvièmle siècle, l'éducation est affaire d'état. Et la solidarité aussi. On y est si frileux à prendre en compte les faits communautaires, fédéralistes, qu'elles sont refoulées dans les recherches et l'observation de la réalité de tous les jours.
Pourtant, comme Cohen constate, la société française est en partie toujours fondée sur ces solidarités familiales, communautaires. C'est ce qui rend un niveau moyen de chômage assez élevé (10%) encore tolérable pour les catégories de la population qui n'ont pas connu ces ruptures d'exclusion dans les générations immédiatement précédentes. On se débrouille, entre parents et enfants, oncles, cousins, dans le village, entre les copains d'une profession particulière.
Les paratiquants de la régénération urbaine connaissent tout cela. L'important, c'est que l'on commence apparemment à s'en rendre compte ailleurs aussi.
Je trouve que l'intervention de Cohen au "Monde" est un signal très utile, qu'il faut arrêter de chercher exclusivement les problèmes et les solutions dans les quartiers à difficultés dans le domaine de la culture, de la religion ou dans le fonctionnement de l'accès au travail.
Sans renier une responsabilité générale étatique, il s'avérera (et il s'est avéré) parfaitement viable à réparer cette rupture des générations qui empêche qui un certain communautarisme joue son rôle bénéfice.
Je pense à l'application des programmes-histoire, par exemple, qui renouent l'actualité et le présent, qui ressoudent les générations, en remettant à la lumière les savoirs utiles des anciens et les savoirs nouveaux des jeunes qui ont à se battre pour une place digne dans la société.
C'est un débat à suivre. et à transformer en actions concrètes!
Même dans les Etats qui situent
07 janvier 2006
Le Chef de Projet urbain en Europe - Qu'est-ce que c'est? (2)
"La méthodologie on ne peut pas l'apprendre a l'Université, c' est le résultat
de notre expérience. Dont nous ne savons, peut-être, pas comme la transmettre", écrit ma correspondante portugaise, en réponse au mail que je citais dans la note précédante. Ce qui me donne l'occasion d'élaborer sur en des sujets que j'annonçais à la fin de mon commentaire.
J'ai répondu (extrait du mail du 07/01/2006):
Je ne suis pas d'accord avec toi, que la méthodologie de l'intervention territoriale ou sociale (orientée vers certains groupes) dans les villes, n'aurait pas sa place à l'université. Il faut, à mon avis, un grand effort de recherche scientifique, transversale, avec comme objectif une critique des fondements de
Ce qui me rappelle, que je dois absolument parler aussi de la participation, de l'autogestion et les méthodes de consultation et de négotiation avec les populations et avec les autres acteurs de l'intervention intégrée urbaine...
C'est essentiel pour un bon suivi et, aussi, pour revenir au niveau scientifique, une énorme contribution potentielle des acteurs de la rénovation urbaine, aux théories politiques (politicologiques) sur l'articulation de la démocratie.
À suivre, donc....
de notre expérience. Dont nous ne savons, peut-être, pas comme la transmettre", écrit ma correspondante portugaise, en réponse au mail que je citais dans la note précédante. Ce qui me donne l'occasion d'élaborer sur en des sujets que j'annonçais à la fin de mon commentaire.
J'ai répondu (extrait du mail du 07/01/2006):
Je ne suis pas d'accord avec toi, que la méthodologie de l'intervention territoriale ou sociale (orientée vers certains groupes) dans les villes, n'aurait pas sa place à l'université. Il faut, à mon avis, un grand effort de recherche scientifique, transversale, avec comme objectif une critique des fondements de
- certaines parties de la sociologie, de la sociographie, et de la psychologie sociale,
- l'économie des entreprises et l'économie monétaire et étatique,
- l'histoire des émancipations collectives
- l'urbanisme,
- la statistique,
- et tutti quanti...
Cette recherche critique devrait, bien sûr, se fonder sur nos expériences concrètes, identifier le moments et les endroits où apparaissent des anomalies, retourner aux sources philosophiques de ces domaines de savoir, les rectifier, le cas échéant, et puis rassembler ces secteurs dans une approche intégrée. Ce n'est qu'alors, qu'une méthodologie d'analyse et de diagnostic, ainsi que d'un suivi évaluatif, pourront être développées.
Ceci n'empêche pas, que la formation des intervenants puisse se faire hors des universités: dans des académies et dans des cours postuniversitaires ou de perfection professionnelle.
Ceci n'empêche pas, que la formation des intervenants puisse se faire hors des universités: dans des académies et dans des cours postuniversitaires ou de perfection professionnelle.
Ce que nous faisons maintenant, avec les bonnes rencontres internationales de travail en commun, ne fait que remplacer une production de savoir et de savoir-faire moderne, scientifique, par une méthode plus instinctive, traditionnelle.
Nous sommes comme les jeunes apprentis-artisans des temps d'avant la révolution industrielle, qui quittaient leur ville, leurs parents, les autres membres de la corporation (qui étaient leurs compétiteurs) pour aller apprendre le métier dans une ambiance non-hostile, neutre, dans des pays lointains. Ainsi, les apprentis-ébénistes allemands se retrouvaient en France et vice-versa, pour y parcourir une sorte de rite d'initiation. Ce n'était pas très efficace du point de vue économique, car les savoirs devaient se réinventer chaque fois, mais d'un point de vue humain et éducatif, c'était parfait. Pour l'époque. C'est Claude Jacquier qui a trouvé cet image fort sur nos voyages européens des experts de l'intervention urbaine, il y a plus que dix ans déjà.
Nous sommes comme les jeunes apprentis-artisans des temps d'avant la révolution industrielle, qui quittaient leur ville, leurs parents, les autres membres de la corporation (qui étaient leurs compétiteurs) pour aller apprendre le métier dans une ambiance non-hostile, neutre, dans des pays lointains. Ainsi, les apprentis-ébénistes allemands se retrouvaient en France et vice-versa, pour y parcourir une sorte de rite d'initiation. Ce n'était pas très efficace du point de vue économique, car les savoirs devaient se réinventer chaque fois, mais d'un point de vue humain et éducatif, c'était parfait. Pour l'époque. C'est Claude Jacquier qui a trouvé cet image fort sur nos voyages européens des experts de l'intervention urbaine, il y a plus que dix ans déjà.
Depuis, chaque fois que j'en trouve une occasion, j'ai essayé à ne le pas manquer afin de pouvoir déposer mon plaidoyer pour une plus forte implication scientifique, indépendant et universitaire dans le domaine de l'émancipation urbaine. Dans les meilleurs des cas, les professeurs, les chefs des départements des facultés, m'ont regardé avec des yeux ronds et innocents en me promettant d'y penser. Ils pensent encore.
Mais il ya d'autres que moi, qui font bouger un peu le monde scientifique dans la bonne direction: Claude, via le CNRS et les universités de Grenoble et de Lyon et aussi via tout un réseau international qu'il crée avec ses propres mains et qui a obtenu une place auprès de la Commission européenne; Gabriel Chanan, le directeur scientifique de la Community Development Foundation d'Angleterre, exerce aussi son influence dans la bonne direction. Puis, j'ai pu constater à Amsterdam, où une conférence européenne sur la Ville était combinée, l'année passée, avec une réunion d'une organisation internationale des statisticiens, que même ce monde-là, très figé, bouge bel et bien. Une infusion de scientifiques avec une expérience au tiers-monde peut aider aussi: Florence en témoigne avec l'équipe italienne d'accompagnement des réseaux URBACT de Partecipando et d' UDIEX-ALEP. L'équipe d'accompagnement scientifique rénove l'approche de la participation civile dans les villes. J'appris leurs expériences dans un groupe de travail de la réunion annuelle de Liverpool en novembre dernier.
Ce qui me rappelle, que je dois absolument parler aussi de la participation, de l'autogestion et les méthodes de consultation et de négotiation avec les populations et avec les autres acteurs de l'intervention intégrée urbaine...
C'est essentiel pour un bon suivi et, aussi, pour revenir au niveau scientifique, une énorme contribution potentielle des acteurs de la rénovation urbaine, aux théories politiques (politicologiques) sur l'articulation de la démocratie.
À suivre, donc....
06 janvier 2006
Le Chef de Projet urbain en Europe - Qu'est-ce-que c'est?
"Qu'est-ce-qu'il y a de si particulier à cette profession de chef de projet urbain?" - Bien de personnes proches me le demandent. Ils me voient voyager d'une ville à l'autre, participer aux conférences et aux groupes de travail. Comme un commis voyageur, plutôt qu'un adviseur expert des problèmes urbains. "Et pourquoi est-ce tout le temps "européen"? Ne ferais-tu pas mieux de rester un peu dans les parages que tu connais un peu?"
Un début de réponse se trouve dans le texte suivant, extrait d'un mail que je viens d'envoyer à une collègue portugaise. Sociologue, elle avait abandonné une poste administrative dans le service social de sa région natale, pour se lancer sur un terrain inconnu: les faubourgs en dérive de la vieille ville industrielle de Sétubál.
Voici ma "profession de foi professionnelle":
Le monde des gérants de projets urbains est rempli de gens comme toi et moi. Des hommes et des femmes qui souvent ont sacrifié une carrière administrative ou scientifique, ou, de toute façon, une vie tranquille, afinde poursuivre les objectifs qu'ils s'étaient proposés dans leur jeunesse.
Des objectifs concrets de société, de communauté, enfin, de "solidarité"aussi. Mais celle-ci sort déjà de l'ensemble de nos motifs: Les donateurs des charités sont "solidaires" aussi, n'est-ce pas?
C'est pourquoi je l'aime, cette communauté trop virtuelle des chefs de projet urbains. C'est une profession qui ne s'apprend pas aux écoles. Pourtant, il en existe une méthodologie, j'en suis certain, mais elle n'a pas encore été révélée aux universités.
On est terriblement seuls aussi, dans notre travail. C'est en partie une choix: nous sommes des individualistes qui ont horreur des inspections bureaucratiques. Mais le côté négatif de cette isolation-là se révèle, quand nous nous rencontrons sur le plan européen. Alors, tout d'un coup, la découverte de l'existence de collègues, de frères et soeurs (enfin: disons "cousins") qui ont une histoire parallèle à la nôtre, qui se battent avec les mêmes problèmes et qui y trouvent souvent les mêmes solutions que nous - ou des meilleures.
Paradoxalement, la distance géographique nous rapproche alors. J'explique cela ainsi: La distance géographique nous permet de laisser tomber nos carapaces habituelles contre la méfiance des habitants des quartiers, contre les autorités administratives de tutelle et, peut-être aussi, nos boucliers à l'encontre des individualistes du quartier voisin ou de la ville voisine.
C'est d'une richesse énorme et les rencontres de travail de cette sorte-là m'inspirent toujours à découvrir des choses nouvelles ou à créer une nouvelle ligne de pensée qui pourrait enrichir la "méthodologie" future de l'émancipation urbaine.
C'est ce que je viens d'écrire à ma correspondante au Portugal. Il y aurait plein d'autres observations à faire:
Un début de réponse se trouve dans le texte suivant, extrait d'un mail que je viens d'envoyer à une collègue portugaise. Sociologue, elle avait abandonné une poste administrative dans le service social de sa région natale, pour se lancer sur un terrain inconnu: les faubourgs en dérive de la vieille ville industrielle de Sétubál.
Voici ma "profession de foi professionnelle":
Le monde des gérants de projets urbains est rempli de gens comme toi et moi. Des hommes et des femmes qui souvent ont sacrifié une carrière administrative ou scientifique, ou, de toute façon, une vie tranquille, afinde poursuivre les objectifs qu'ils s'étaient proposés dans leur jeunesse.
Des objectifs concrets de société, de communauté, enfin, de "solidarité"aussi. Mais celle-ci sort déjà de l'ensemble de nos motifs: Les donateurs des charités sont "solidaires" aussi, n'est-ce pas?
C'est pourquoi je l'aime, cette communauté trop virtuelle des chefs de projet urbains. C'est une profession qui ne s'apprend pas aux écoles. Pourtant, il en existe une méthodologie, j'en suis certain, mais elle n'a pas encore été révélée aux universités.
On est terriblement seuls aussi, dans notre travail. C'est en partie une choix: nous sommes des individualistes qui ont horreur des inspections bureaucratiques. Mais le côté négatif de cette isolation-là se révèle, quand nous nous rencontrons sur le plan européen. Alors, tout d'un coup, la découverte de l'existence de collègues, de frères et soeurs (enfin: disons "cousins") qui ont une histoire parallèle à la nôtre, qui se battent avec les mêmes problèmes et qui y trouvent souvent les mêmes solutions que nous - ou des meilleures.
Paradoxalement, la distance géographique nous rapproche alors. J'explique cela ainsi: La distance géographique nous permet de laisser tomber nos carapaces habituelles contre la méfiance des habitants des quartiers, contre les autorités administratives de tutelle et, peut-être aussi, nos boucliers à l'encontre des individualistes du quartier voisin ou de la ville voisine.
C'est d'une richesse énorme et les rencontres de travail de cette sorte-là m'inspirent toujours à découvrir des choses nouvelles ou à créer une nouvelle ligne de pensée qui pourrait enrichir la "méthodologie" future de l'émancipation urbaine.
C'est ce que je viens d'écrire à ma correspondante au Portugal. Il y aurait plein d'autres observations à faire:
- la non-compréhension de l'approche holistique (politiques intégrées qui partent de l'individu et du groupe et qui ne connaissent aucun tabou sur le plan des secteurs de l'administration à attaquer);
- les charges administratifs lourds des chefs-de-projet, qui sont chaque fois obligés de "traduire" leurs rapports d'activités vers les cadres administratifs, périmés depuis, qui ont été définis à l'origine du projet;
- la comparaison des trajets de perfection professionnelle des chefs de projet locaux avec les "chemins d'apprentissage" des apprentis artisans des temps pré-industriels, qui parcouraient l'Europe entière afin de pouvoir apprendre leur métier, loin de leur ville, loin de leurs parents, et de commettre les fautes du débutant dans une ambiance neutre, image dû au seul spécialiste scientifique engagé dans ce monde: Claude Jacquier du CNRS, Grenoble;
- la "seven-years-itch" qui fait que, trop souvent, après un maximum de sept années, les autorités coupent radicalement court aux projets en route, en détruisant la difficile confiance gagnée auprès des habitants, ainsi que les savoir-faire des chefs de projet locaux;
- etc., etc...
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