12 novembre 2008

Sauver le Capitalisme, en le socialisant?


Sarkozy et son MP effrayé à Toulon, le 25.09.08 (source Libération)

Hyperactivité. Sauter du coq à l'âne. Opportunisme. Pipolisation...

À votre service. Mais je ne peux pas m'empêcher à apprécier, d'un point de vue technique, théatral et politique, les exploits du petit Napoléon IV.

Les Napoléon III et IV: La même agilité. Le même cynisme créatif. Le même destin?

Profitant des gaffes américaines de son ami Bush en Géorgie, Sarkozy a évité, en surprenant alliés et ennemis par sa vitesse, que l'Europe s'enlise dans une nouvelle situation conflictueuse d'où elle n'aurait pu sortir qu'en perdant.

Mais l'intervention du président français du 25 septembre à Toulon est le meilleur exemple de ce qu'une quasi insoutenable légèreté idéologique puisse rendre possible. François Fillon, à ses côtés, aurait préféré, visiblement, être invisible. Il guette d'en dessous de ses sourcils noirs l'arrivée d'une Main divine, la main du Dieu des Marchés, (la Main Invisible d'Adam Smith?), qui frappera les hérétiques par son Ire justifié.

Mais, rien de tel n'est arrivé. Les socialistes français pris de vitesse, n'ont pu que rouspèter en marge. C'est eux qui ont été frappés par la Main Invisible, semble-t-il, en étant condamnés à souffrir encore deux ans sous la suprématie d'une Ségolène Royal, aussi agile que Sarkozy, mais nettement moins cynique.

Quel culot!

Appeler au sauvetage du capitalisme, en raflant les propositions de la gauche, qui, hier encore, furent condamnées comme autant de trahisons à l'égard du peuple français! Analystes plus compétents que moi, ont déjà montré la vanité de certaines des "engagements du chef de l'État". Ils sont repris ci-dessous (source: Le Monde du 27.09.08):

Les principaux engagements du chef de l'État

VOICI les principales mesures annoncées par Nicolas Sarkozy, jeudi 25 septembre :

Rémunération des dirigeants. " Les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs doivent être encadrés (...) Ou bien les professionnels se mettent d'accord sur des pratiques acceptables ou bien le gouvernement règlera le problème par la loi avant la fin de l'année. " (...) " Les dirigeants ne doivent pas avoir le statut de mandataire social et bénéficier en même temps
des garanties liées à un contrat de travail. Ils ne doivent pas recevoir d'actions gratuites. Leur rémunération doit être indexée sur les performances réelles de l'entreprise. Ils ne doivent pas pouvoir prétendre à un parachute doré lorsqu'ils ont commis des fautes ou mis leur entreprise en difficulté. "

Ceci relève du domaine exclusif populiste: Qui va juger et mesurer? Les "professionnels" entre eux? Comment établir, si c'est le dirigeant qui a mis son entreprise en difficulté, si le sort des entreprises est si étroitement lié à celui d'autres entreprises, l'économie locale et mondiale, etc.? Limiter la rémunération en fonction des salaires des employés de l'entreprise serait la oindre des choses. Et il faudra le faire sur le plan européen, car les entreprises les plus importantes sont quasi toutes devenues européennes.

Système bancaire. Il est envisagé de règlementer les banques, de s'attaquer au problème de la complexité des produits d'épargne, de l'opacité des transactions, de s'interroger sur l'obligation de comptabiliser les actifs aux prix dumarché, de contrôler les agences de notation.

Intervention en urgence de l'Etat. " L'État garantira la sécurité et la continuité du système bancaire et financier français. " Pour pallier une restriction du crédit aux Français et aux entreprises, " il interviendrait par des cautions, par des garanties, par des apports en capital ou par une modification de la règlementation bancaire ". La loi de mobilisation pour le logement sera adoptée en urgence. S'y ajouteront " des mesures fortes pour que les programmes immobiliers en cours puissent être menés à bien ".

Sur ce point, Sarkozy va plus loin. Il faut se rendre compte, qu'à cette date les grandes crises bancaires et financières (sauf une banque nationalisée en Angleterre) ne s'étaient produites qu'aux États-Unis.

Emporté par le vent spéculateur...

Au cours du mois suivant, en tant que président en exercice de l'Union Européenne, Sarkozy a encore renforcé sa position, en attirant Gordon Brown dans son giron. Le gouvernement Brown a été le premier à carrément nationaliser, entièrement ou partiellement avec la nomination de ses représentants dans les conseils directeurs des banques et des entreprises. C'est devenu une pratique courante en Europe durant le mois d'octobre.

Nationaliser les entreprises financières et les obliger à continuer à fournir du capital à l'économie n'est, d'ailleurs, qu'une demi-mesure. Le système monétaire mondial est complètement déséquilibré. Les capitaux virtuels qui circulent sur les marchés boursières, et qui sont entre les mains des hedgefunds et d'autres acteurs financiers non-bancaires, représentent 200% du produit annuel mondial. Tout indique, que ces acteurs-là (comme un Warren Buffett) montent des attaques en règle contre les "points faibles" du système. Faibles à cause de leur localisation dans des économies nationales restreintes (Islande, Belgique), ou à cause de leur endettement sur des produits "composés" d'une valeur surévaluée. Emporté par ce vent tourbillonnant, les mesures prises et envisagées sont vite devenues plus robustes que celles prévues encore en septembre par Sarkozy.

Éviter qu'un nouveau protectionisme national se développe en Europe...

Une mesure plus radicale, je pense, s'imposera sous peu: Exclure les capitaux rapaces des bourses. C'est ce qui se produit déjà sous la forme de protectionismes nationaux dans différents pays (Islande, Russie - fermeture des bourses). Ce protectionisme national dans une marché européenne qui est déjà fort unie, sera, s'il se développe encore davantage, plus désastreux que le protectionisme qui a suivi la crise de 1929. Il est donc très urgent, que l'UE, ou, au moins, l'Eurogroupe plus le Royaume Uni, se dote d'une autorité économique et financière qui impose des régulations unifiées. Sinon, des destructions énormes de capital vont se produire, les plus grandes économies dans le zone Euro pesant sur les plus petites. Ce n'est pas par hasard que les Pays-Bas et la Belgique (le premier en faisant une pirouette de 180 degrés, car c'étaient les Hollandais qui ont toujours saboté la formation de l'Eurogroupe) insistent depuis peu sur une telle politique. J'y reviendrai un de ces jours.

Retournons au sarkozy du 25 septembre:

Réforme des administrations locales. Le chantier sera ouvert en janvier. Le but est de réduire les échelons administratifs - le département est dans le collimateur - et faire des économies permettant de supprimer la taxe professionnelle. " Les nouveaux investissements seront exonérés de taxe professionnelle. " 30 600 emplois seront supprimés dans la fonction publique en 2009.

Ceci va frapper surtout les postes et les enseignants. Réduire la qualité de l'enseignement et diminuer sa capacité à préparer les gens qui auront perdu leur travail à des nouvelles fonctions, me semble plutôt contra-productif.

Je saute la fiscalité, pour arriver au point final sarkozien:

Grenelle de l'environnement et grands travaux. Le bonus-malus sera étendu "progressivement " à d'autres produits que l'automobile. Le remplacement des centrales
nucléaires accéléré. Un plan de rénovation des infrastructures des transports collectifs sera mis à l'étude. Des décisions seront prises " avant la fin de l'année " sur la réforme de la formation professionnelle. " Une stratégie nationale de recherche va être définie. "

© Le Monde

Un programme, déjà prévu, d'investissements collectifs, qui sera accéléré.

Perspectives européennes et mondiales sombres...

Sans l'Allemagne qui semble se replier sur elle-même, comme pour l'intégration de l'ancienne RDA au début des années '90, les perspectives d'une politique robuste de sauvetage du "modèle rhénan" d'économie de marché social, sont moroses. Surtout parce que la défense européenne contre le nouvel isolationisme américain n'existera que si elle soit commune. Un nouveau Bretton Woods ne sera possible que si les Etats-Unis seront obligés à harmoniser leur politique économique et monétaire avec une Europe unie qui n'existe pas encore dans ce domaine.

Le seul espoir qui me reste - c'est encore un truc de prestidigateur de notre Napoléon IV.

Origine: HUIBSLOG

Article repris par medium4you

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