13 février 2007

Le Liban: Unité fragile, mais qui tient

Les revenants de la guerre civile, les Geagea, les Aoun, les Jumblatt, les Berri, les Gemayel - ou leurs fils et leurs petit-fils (peu de filles) - ils sont tous là.
Encore. Ou à nouveau.
Mais il semble qu'il y a une seule grande leçon que tous ont apprise: Unité.
Il est significatif que les ouailles shiites de l'Hizbollah, dans leur lutte pour une reconstruction du gouvernement libanais en leur faveur, ne sont pas allés plus loin qu'une grève générale - moyen de lutte démocratique et pacifique. Remarquable, pour un mouvement qui sait utiliser ses armes de guerre.

Pourtant...
Pourtant, il y en a eu pas mal de non-libanais (et non plus les moindres) qui comptaient avec une reprise de la lutte interne libanaise: les Américains, les Français, les Israeliens...
Mais malgré tout, malgré le meurtre de l'ex-président Hariri, malgré les provocations israéliennes ciblées à inciter des réprésailles contre le Hizbollah, malgré les promesses françaises et américaines - même sous le siège des Hizbollahs, la minorité maronite qui domine encore toujours le pays et qui est propriétaire de la présidence et de la fonction du prmier ministre, n'a pas vraiment fléchi.

Indépendance...
Siniora, à son honneur, a refusé de recevoir la ministre Rice à Beirouth sous les bombes israéliennes. Il a refusé avec éclat les négotiations de paix proposées par Israel en septembre et le Liban s'est tourné vers la Cour Internationale des Nations Unies de La Haye pour exiger des réparations israéliennes des dégâts des actions démesurées de juillet-août. L'intervention de l'armée libanaise, exigée par la communauté internationale, dont certains espéraient in petto le déclenchement d'une guerre interne avec l'Hizbollah, n'a pas du tout eu cet effet-là. Les soldats (majoritairement non-shiites) sont reçus dignement par la population et, de leur côté, ils s'abstiennent complètement d'actes de vengeance ou d'affaiblissement contre le Hizbollah.

Des conditions divisives...
En attendant, les centaines de millions d'euros d'aide promises au Liban à Paris, le mois dernier, ne seront pas très promptes à arriver à destination. Il est à craindre, que les Etats créditeurs poseront des conditions politiques, divisives, à leurs versements. Là aussi, les Libanais sauront répondre effectivement: L'alternative existante des versements iraniens et, si la mission de Moussa se solde par une réussite, des pays riches arabes les fera reculer devant une contrainte trop poussée...
[Titre de l'Independent londonien: "La relation avec les USA c'est ce qui nous ouvre toutes les portes partout" - citation du PM Tony Blair. Réfutée par l'expérience libanaise. Voir, à la place de cette image, l'image gagnante de World Press International, la photo de Spencer Platt, Getty Images, USA, gagnante du Prix WPP 2006, ici. L'image étant interdite de réproduction, nous vous reléguons au site de WPI.]

Pour moi, le maintien d'une unité de base entre libanais, malgré leurs divisions culturelles, politiques, sociales et religieuses profondes, relève d'une conscience populaire mûre et sage. Une conscience qui semble être partagée par tous: Les anciens chefs de clan et de milice aussi bien que les pauvres illettrés de Sud. C'est une merveille, pleine d'espoir. Les intrigues internationales ne dominent donc pas le destin des peuples. Finalement, je veux dire.

Des touristes de désastre bien particuliers...
Symbole de cette incroyable unité entre gens aussi différents, c'est pour moi la photo des BCBG typiquement beirouthiens, dans leur décapotable, faisant le tour des quartiers shiites sinistrés du Sud de la ville, après l'armistice du mi-août. Mouchoir protège les nez, les yeux horrifiés, les ruines fumantes et puantes autour. Et non, les habitants des taudis ne les ont pas chassés, malgré leur richesse quasi indécente. Et non, les jeunes riches n'ont pas senti aucune satisfaction en voyant le sort de leurs voisins pauvres.

L'Europe...
C'est une bonne surprise. L'Europe ferait une bonne chose, si elle se reconnaîtrait dans cette unité dans la diversité-là et si elle agissait en fonction d'une telle reconnaissance. Ce sera un exemple pour les Serbes et les Kosovars, pour les Turcs et les Kurdes, pour les Castillans et les Basques. L'Europe, ayant tellement d'intérêt à maintenir la paix et la prospérité à ses portes de l'Est, elle devrait adopter le Liban, lui donner un statut de préférence, et en finir avec les ingérences nostalgiques et short-sighted (à traduire) françaises. Il y a lieu pour une geste ample, indépendante et généreuse de l'Europe entière, unie, vers cet extraordinaire pays du Liban.

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