De Volkskrant, quotidien national néerlandais révéla ce matin: Nederlanders martelden Irakezen. ("Des Néerlandais ont torturé des Irakiens").
C'est arrivé en novembre 2003, pendant la mission de pacification néerlandaise dans le cadre de la "Coalition des Bienveillants" alliés des Anglo-Américains en Irak. La mission militaire hollandaise a duré 1,5 ans et se limitait à l'occupation de la province méridionale irakienne Al-Muthanna, relativement calme à l'époque.
L'aspect le plus inquiétant de l'affaire est le fait que ces militaires ont continué à servir impunément, notamment en Afghanistan. Rien ne permet de penser que ces méthodes-là n'y ont pas été appliquées à partir de l'année 2004, quand un contingent de commandos néerlandais est allé renforcer les troupes américaines engagées dans l'opération "Enduring Freedom" dans les Sud-Est afghanistanais.
La description des méthodes de torture appliquées, éveille plein de mauvais souvenirs de ce qui se passait au même moment dans la prison d'Abou Ghraib.
Malgré les assurances du gouvernement Balkenende à une Chambre de Députés hésitante, que les troupes néerlandaises obéiraient exclusivement à des "rules of engagement" nationales et conformes aux Accords de Genève, il s'avère que l' "Intelligence" militaire (4me Bureau, en hollandais: MIVD) a torturé des dizaines de prisonniers irakiens, avant de les transmettre aux militaires brittanniques qui dirigeaient les opérations dans le groupe de privinces dont Al-Muthanna fait partie.
Les exactions se déroulaient dans un bâtiment de l'"Autorité provisoire de Coalition" (CPA) à As-Samara, la capitale de la province. Ce CPA fut, pendant un an, le gouvernement effectif de l'Irak occupé.
Nationalement, cette révélation-ci arrive 5 jours avant les élections générales du 22 novembre. Le gouvernement, et en particulier le ministre de la Défense Henk Kamp (VVD, Libéral-Conservateur) risque d'être fort gêné. Il est question de mystification du parlement, de désinformation du parlement et, impardonnable aussi, ne pas avoir saisi la Cour de Jostice militaire néerlandaise à Arnhem.
Implicitement, le Chef de l'Etat-Major des armées néerlandaise de l'époque, l'Amiral Kroon, actuellement à la retraite, a reconnu d'avoir été au courant. Le ministre de l'époque, qui est encore en fonctions, n'échappera pas à ses responsabilités: S'il a été mis au courant, il est coupable de désinformation du Parlement et de manque à signaler à la Justice. S'il n'était pas au courant, il est d'autant responsable.
Mais ce qui nous intéresse surtout, ici, c'est la mise au corvée systématique de l'armée néerlandaise aux pratiques américaines et anglaises.
À la limite, on préférera encore George Bush à M. Balkenende. Le premier a au moins été transparant (finalement) dans ses idées et dans ses décisions: "la torture est permis; la justice civilisée, ni les Traités de Genève sont d'application".
Le gouvernement hollandais, par contre, s'est toujours affiché comme protagoniste d'une approche "humanitaire", "civilisée" et "constructive". Les sales services sont rendus en cachette.
Les événéments d'Irak sont déjà histoire. La seule chose qu'on puisse observer, c'est que les Britanniques, qui étaient à la même époque impliqués dans des actes de torture et d'assassinats d'Irakiens dans la même région, ont depuis longtemps commencé à faire table-rase: Plusieurs condamnations de militaires brittanniques pour des actes pareilles sont déjà survenues.
La position hypocrite du gouvernement néerlandais a permis, pendant trois ou quatre années, un double jeu: aux Américains, il offre soutien "politique" publique et services subalternes en cachette; au public néerlandais, encore traumatisé par le désastre et la lâcheté de Srebrenica (1995) il offre une fausse image de boy-scoutisme bienveillant.
Nombre de militaires actifs ou à la retraite, et d'observateurs compétents de politique internationale et militaire du pays, ont déjà donné vent à leurs objections fondées contre ce jésuitisme dangereux. Dangereux pour les militaires envoyés en mission sans but précis et mis en danger sans nécessité. dangereux aussi pour le pays lui-même, car on ne voit pas ce qu'il a encore à attendre des Américains, sauf la poste de Sécrétaire-Général de l'OTAN. Et, en fin de compte, dangereux également pour l'union Européenne entière.
Car il est plus que probable que les éléments de l'intelligence militaire qui sont coupables de torture systématique sur des prisonniers, ont continué, et, probablement perfectionné, leurs méthodes au cours de leur mission mystérieuse aux côtés des Américains en Afghanistan à partir de l'an 2004. C'est devenu plus évident, depuis le printemps de 2006. Même après le transfert du commando des opérations dans la région à l'OTAN, les unités de commando néerlandais continuent à obéir à leur officier américain "embedded" à leur unité. Selon des témoignages anglaises (Independent, 9/11/06) et néerlandaises, ils terrorisent les campagnes autour du camp militaire de la mission de "reconstruction régionale", en provoquant ceux qu'ils prennent pour "Taliban" au combat.
C'est une auto-sabotage de l'effort de pacification, on ne peut plus cynique. L'OTAN, qui, de plus en plus s'est transformée en Bureau Intérim pour mercenaires à l'appui des divagations américaines, est impuissante.
Au moment que les Italiens, les Espagnols et les Polonais ont décidé de refuser dorénavant ce rôle, les Hollandais y persévèrent. A leur façon spécifique. Que les Allemands appelleraient "klammheimlich".
Il est temps pour les Pays-Bas, à réorienter leur politique internationale en l'insérant dans une politique commune européenne. Là, au moins, il y a plus de chances, que leurs efforts serviront à la sécurité de leurs citoyens, au lieu de les mettre en danger de représailles par les populations humiliées.
[Une version néerlandais est apparu sur De Lage Landen et In Europa Thuis
; une version anglaise à At Home in Europe et à Legal Alien @ NY. Publication française croisée avec Toto Le Psycho]
17 novembre 2006
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